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Les zones d'ombre dans l'assassinat de Jamal Khashoggi un an après

Début octobre 2018, le journaliste saoudien était assassiné à Istanbul dans des circonstances atroces. Un an après, il n’y a toujours aucune condamnation, et de multiples points obscurs subsistent.

Article rédigé par franceinfo
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Jamal Khashoggi en décembre 2014 lors d'une conférence de presse.  (MOHAMMED AL-SHAIKH / AFP)

Commençons par ce que l’on sait. Et ce que l’on sait a tout d’un film d’horreur. Ce 2 octobre 2018, à la mi-journée, le journaliste Jamal Khashoggi entre dans l’enceinte du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul. Il n’en ressortira jamais. La suite, ce sont des enregistrements clandestins des services turcs qui la racontent : des enregistrements transmis à l’ONU et validés par le rapport spécial des Nations-Unies sur le sujet publié cet été. Ce rapport est accessible au public (voir plus bas). A l’intérieur du consulat, un commando spécial saoudien attend Khashoggi, devenu un critique virulent du régime de Ryad.

Selon la CIA, il y a là une quinzaine de personnes au total. Leurs intentions, les enregistrements en témoignent, ne font aucun doute. Khashoggi est d’abord drogué, endormi. Puis littéralement découpé en morceaux avec une scie électrique. Les enregistrements sont terrifiants. L’Arabie Saoudite commence par nier en bloc puis elle finit par reconnaître la responsabilité de onze hommes qu’elle appelle des "éléments incontrôlés". Ils sont traduits en justice à Ryad. La peine de mort est requise contre cinq d’entre eux. Le procès dure depuis le mois de janvier. La dernière audience a eu lieu en juillet, et depuis plus rien.  

Un corps introuvable

Il y a donc plusieurs zones d'ombre, plusieurs questions en suspens. La première question, c’est : qu’est devenu le corps de Khashoggi ? On ne l’a jamais retrouvé. Et l’autopsie apporterait des renseignements précieux. L’hypothèse la plus probable est la suivante : que les morceaux du corps aient été dissous dans l’acide, avant d’être jetés dans les égouts. Ces détails sont utiles à la compréhension parce qu’ils aident à comprendre la nature de l’horreur.

La deuxième question, c’est : qui dirigeait le commando ? Quinze hommes sont soupçonnés par la CIA, onze ont été seulement traduits devant la justice saoudienne. Et un grand absent qui concentre tous les soupçons : Saoud Al Qahtani, confident et proche conseiller du prince héritier Mohammed Ben Salmane, MBS, homme fort du régime saoudien.

Troisième question : Où conduit ce procès ? Sans doute nulle part, si ce n’est à la condamnation d’hommes de paille, le tout au nez et à la barbe des Occidentaux. Les représentants des cinq pays membres du Conseil de sécurité ont été autorisés à assister au procès mais en qualité de simples observateurs, sans interprètes. Il y aura peut-être un procès en Turquie cette fois, mais ce serait alors par contumace, en l’absence des suspects.  

Un prince intouchable

Reste enfin la 4e question, la grande question : MBS était-il le commanditaire de cet assassinat épouvantable ? La CIA en est convaincue. L’ONU a appelé à des poursuites contre lui. Mais MBS, depuis un an, monte ce qu’un diplomate occidental appelle des "écrans de fumée", pour mettre le plus de distance entre lui et le meurtre. Fin septembre, il a bien reconnu une "responsabilité" parce que, dit-il, "je suis le dirigeant", mais il nie avoir été au courant de l’affaire. D’ailleurs, son père, le roi Salmane, a passé l’éponge. Et le grand protecteur américain, Donald Trump, n’a rien fait non plus. Donc il y a fort à parier que le prince saoudien ne soit jamais inquiété.        

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