La "médecine anthroposophique" n'est pas une méthode à risques sectaires, selon la justice
Fallait-il classer "la médecine anthroposophique" parmi les méthodes thérapeutiques à risques sectaires, comme l'a fait la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)? Non, a répondu le tribunal administratif de Paris, qui demande au Premier ministre de la retirer de son guide "Santé et dérives sectaires", paru en 2012, selon un communiqué de l’AFP.
Dans son jugement rendu le 20 avril, le tribunal enjoint également au Premier ministre, dont dépend la Miviludes, de publier sa décision dans les trois mois sur le site de l'instance. Il accorde 2.000 euros de préjudice moral à l'association requérante, le "CEP MEP SMA", principale organisation de médecins anthroposophiques de France.
Dans un communiqué, cette dernière a salué la décision en s'interrogeant sur les raisons qui ont conduit les autorités à "jeter le discrédit sur ce courant thérapeutique (...) bien établi en France, répandu dans 22 pays européens et 38 dans le monde" et "pratiqué exclusivement par des docteurs en médecine".
Contactée par la rédaction d’Allodocteurs.fr, la Miviludes a indiqué qu'elle envisageait de "faire appel de la décision du TA de Paris (…) concernant la mention de la médecine anthroposophique dans le Guide Santé qu’elle a fait paraître en 2012 (…) pour prévenir les risques de dérives sectaires liées à des méthodes qui ne sont pas reconnues par les autorités médicales. »
C'est dans le "lexique des méthodes les plus répandues (...) ayant en commun, leur dangerosité potentielle" et "de permettre à leurs concepteurs d'obtenir des revenus très confortables", qu'apparait la médecine anthroposophique. Cette méthode y est définie comme "une approche médicale fondée sur l'anthroposophie, un système social et philosophique créé au début du XXe siècle par le philosophe d'origine autrichienne, Rudolph Steiner", avec cette observation: "l'anthroposophie propose une vision du monde humaniste qui intègre les dimensions matérielles et spirituelles de l'être humain".
Critères de dangerosité non démontrés, selon le tribunal
A l'audience, le représentant du Premier ministre avait fait valoir que la Miviludes s'était bornée à rappeler que cette pratique n'était "pas officiellement reconnue par les autorités médicales" et "qu'aucune évaluation" n'avait été faite permettant de la "reconnaître légalement".
Mais pour le tribunal, la mission anti-sectes n'a pas démontré que cette médecine remplissait les critères de dangerosité cités dans le guide comme "la déstabilisation mentale", "le caractère exorbitant des exigences financières" ou encore "l'importance des démêlés judiciaires".
En décembre 2017, la justice administrative avait déjà donné tort à la Miviludes sur une méthode de kinésithérapie, la "fasciathérapie". Un pourvoi en cassation doit être prochainement examiné par le Conseil d’État.
Validation scientifique absente, selon la Miviludes
"L’enjeu pour la Miviludes est de faire reconnaître sa démarche de prévention du risque sectaire dans le domaine de la santé en tenant compte de la validation scientifique des pratiques qui prévaut en France pour une reconnaissance légale", rappelle, à la suite à ce jugement, l’instance.
Selon elle, le guide Santé publié en 2012 entre "dans le cadre de sa mission d’information du public sur les risques et les dangers des dérives sectaires " et vise à "repérer les situations de danger". Elle ajoute, "les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au coeur des pratiques à risque sectaire". Or, souligne-t-elle, "ces pratiques de soins non éprouvées (...) peuvent conduire des patients à des comportements d'adhésion, les détourner de traitements efficaces ce qui constitue une perte de chance".
La Milivudes rappelle enfin que "depuis 2002, date de [sa] création (…) et de l’adoption par les pouvoirs publics de la notion de dérives sectaires, il n’existe aucune liste de mouvements sectaires".
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