Amiante : un procès impossible ?
En avril 2015, la Cour de cassation a annulé la mise en examen de hauts fonctionnaires, scientifiques et industriels qui étaient pourtant impliqués dans le Comité permanent amiante, le CPA. Cette structure de lobbying, qui prônait dans les années 1980 "l'usage contrôlé" de l'amiante, a ainsi retardé son interdiction. Elle n'est intervenue qu'en 1997.
- Comment expliquer ce qui semble être une "frilosité" de la justice dans ce dossier ?
François Desriaux : "Ce n'est pas le premier exemple : dans tous les scandales sanitaires, hormone de croissance, affaire du sang contaminé, vache folle, il y a eu rarement des procès, et quand il y a eu procès, ils ont rarement abouti. Pour nous c'est pire : on va bientôt fêter le vingtième anniversaire du premier dépôt de plainte pénal et nous n’avons même pas la perspective d’obtenir un procès."
- Pourquoi réclamez-vous un procès au pénal ?
François Desriaux : "Un procès pénal du scandale de l’amiante engendrerait un examen de toutes les responsabilités. A la rigueur, on nous accordera un procès sur les responsabilités locales, examinant les responsabilités des chefs des établissements dans lesquels il y a eu contamination. Mais sur l’entreprise de lobbying du CPA, celle qui a fait qu’on a mis autant de temps à réglementer et interdire le matériau amiante, ça personne n’en veut ! Cela va nuire aux affaires, ça va remuer la boue, pointer les lacunes de l’action des pouvoirs publics et des autorités sanitaires. En bref, montrer combien tout le monde, dans les années 1980, s’est laissé berné par le CPA.
"Mais si l’on appelle ce procès pénal, ce n’est pas seulement à titre de « vengeance ». C'est aussi pour tirer toutes les leçons de cette catastrophe et que ça ne se reproduise pas…"
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Comment expliquer l'attentisme des politiques en France sur ce dossier ?
François Desriaux : "C’est vrai qu’on peut comparer la situation française avec celle de notre voisine l'Italie, un pays également très touché par le scandale de l'amiante. Là-bas, il y a eu une énorme émotion, et les politiques se sont impliqués. Le président du Conseil Matteo Renzi, le Parlement, tout le monde a dit que s'il n'y avait pas de procès possible, c’était carrément la loi qu’il fallait changer. On attend toujours une réaction de cette hauteur-là de la part de nos politiques."
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