Cancer : des soupçons renforcés sur l'acrylamide dans les aliments
Quel est le lien entre les frites, le pain grillé, les biscuits et les chips ? Tous contiennent une substance qui se forme lors des cuissons à hautes température : l’acrylamide, soupçonnée d’être cancérogène. Un risque dont les mécanismes viennent d'être décryptés par des chercheurs du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de Santé (OMS). Leurs travaux sont publiés le 7 mars 2019 dans la revue Genome Research.
Des mutations sur l’ADN
Des preuves que l’acrylamide est cancérogène chez les rongeurs existent déjà. Mais démontrer la même chose chez l’humain est plus complexe car il est difficile d’évaluer de façon fiable et précise notre consommation régulière d’acrylamide. A l’heure actuelle, le CIRC a déjà classé cette substance comme cancérogène probable (groupe 2A). Ces scientifiques ont cherché à comprendre précisément comment l’acrylamide pouvait représenter un danger pour celles et ceux qui l’ingèrent.
Selon eux, le problème viendrait d’une substance issue de la dégradation de l’acrylamide dans l’organisme : la glycidamide. Celle-ci favoriserait l’apparition de mutations génétiques au niveau de l’ADN des cellules, rendant ces dernières plus susceptibles de devenir un jour des cellules cancéreuses. Ces mutations apparaissent comme des « lésions » au niveau de l’ADN, preuves de "l'existence d'une trace caractéristique des changements [...] provoqués par la glycidamide", explique le CIRC dans un communiqué.
"Nous n’en sommes pas au stade où l’on peut dire que l’acrylamide cause le cancer"
Cette étude "nous aide à mieux comprendre [ce qui se passe] au niveau moléculaire, mais nous n'en sommes pas encore au stade où l'on peut dire que [l'acrylamide] cause directement le cancer chez l'homme", a commenté Justin Stebbing, professeur de cancérologie à l'Imperial College de Londres, cité par le Science Media Centre (SMC).
Parmi les points qui restent à explorer : la dose d’acrylamide responsable des mutations. "Il existe un niveau de preuve convenable du fait que l'acrylamide peut augmenter le risque de cancer chez l'homme, mais est-ce qu'il le fait vraiment aux niveaux d'exposition que l'on peut rencontrer dans la vie quotidienne, c'est une autre question", ajoute ainsi Kevin McConway, professeur émérite de statistiques appliquées à l'Open University, au Royaume-Uni, également interrogé par le SMC.
Principe de précaution
En attendant que les scientifiques explorent ces questions, quelques réflexes simples permettent de limiter les risques potentiels, par simple principe de précaution : "pour les fritures des aliments qui contiennent de l'amidon comme les pommes de terre, utilisez une huile qui supporte bien la cuisson, telle que l'huile de tournesol, d’arachide ou certaines huiles de pépins de raison plutôt que de l’huile d’olive" conseille tout d’abord Raphaël Haumont, enseignant-chercheur en physique et chimie des matériaux à l’université Paris Sud-Paris Saclay. "Ne l’utilisez pas plus de deux ou trois fois, filtrez-la à chaque utilisation et ne la chauffez pas à plus de 150 degrés" poursuit-il.
De même, comme le conseille l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), ne faites pas dorer vos pommes de terre frites, chips ou tartines à l’excès et ne consommez pas les zones les plus brunies lors de la cuisson car ces parties sont les plus riches en acrylamide.
Et si vous pensiez oublier le paquet de chips traditionnelles au profit des chips de légumes qui semblent plus saines à première vue, pensez-y à deux fois : "les chips de légumes contiennent trois fois plus d’acrylamide que les chips de pommes de terre car les légumes sont encore plus fragiles à la cuisson et contiennent des sucres rapides qui réagissent en plus avec l’huile de cuisson" avertit enfin Raphaël Haumont.
Raphaël Haumont explique les dangers de l'acrylamide dans l'alimentation dans sa chronique du 29 mars 2019
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