Viande avariée : "Le principe de précaution ne marche pas, parce qu'il y a trop de sentiment d'impunité", selon l'ONG Foodwatch
Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch, a demandé, vendredi sur franceinfo, de la transparence et de l'efficacité de la part des institutions après la découverte de 800 kilos de viande avariée polonaise dans des entreprises du secteur agroalimentaire en France.
Près de 800 kilos de viande avariée polonaise ont été repérés dans neuf entreprises du secteur agroalimentaire en France, a annoncé vendredi 1er février le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume. Au total, seuls "150 kilos ont déjà été récupérés", a précisé le ministre. Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch, une ONG qui milite pour la défense des consommateurs en matière d'alimentation, a été invitée à réagir, vendredi sur franceinfo
franceinfo : Comment un tel scandale sanitaire peut-il se produire en Europe, en 2019 ?
Karine Jacquemart : La semaine dernière, on parlait du scandale de la viande de cheval, dont le procès s'est ouvert à Paris, en pointant du doigt les problèmes persistants de traçabilité dans les circuits de distribution alimentaire en Europe et en insistant sur les problèmes de transparence dans les contrôles effectués. Depuis ce scandale, les choses ont changé parce que des réglementations se sont renforcées. Mais concernant la traçabilité, on est face à des systèmes complexes et opaques avec beaucoup d'intermédiaires, donc rapidement, un scandale alimentaire touche des dizaines de pays. Et surtout, il y a des réglementations européennes qui imposent le principe de précaution aux entreprises et aux autorités. Or, ce n'est pas suffisant. Ça ne marche pas parce qu'il y a trop de sentiment d'impunité. Il faut obliger chaque acteur, fabricants, distributeurs, autorités, à prendre leurs responsabilités. Il faut beaucoup plus de transparence sur les résultats des contrôles. Nous demandons cela dans une pétition signée par des milliers de consommateurs. Et puis, il faut que les moyens soient donnés aux autorités pour qu'elles fassent ces contrôles efficacement. Or il y a des coupes budgétaires très régulièrement.
Est-ce à l'Europe ou à chaque pays de prendre ses responsabilités ?
La réglementation européenne est très claire. En matière de contrôles et de sanctions, c'est à chaque pays de faire le travail. Les entreprises ont une obligation d'autocontrôle. On en avait parlé au moment de l'affaire Lactalis. Mais cela ne suffit pas. Les autorités ont l'obligation de s'assurer que des produits frauduleux ou dangereux pour la santé ne soient pas commercialisés. Le sujet de la transparence est également très important. Aujourd'hui, avec cette affaire de viande avariée, on sait que neuf entreprises sont touchées, selon le ministère de l'Agriculture. Quelles sont ces entreprises ? Quels produits sont concernés ? Les consommateurs peuvent-ils en avoir chez eux ? Qu'est-ce qui est mis en place ? On demande de la transparence et de l'efficacité.
Est-ce que la présence de cette viande en France signifie que nos entreprises n'ont pas effectués les contrôles ?
C'est un problème parce que dans la réglementation européenne de 2002 sur l'alimentation, c'est une obligation légale que chaque entreprise ait une traçabilité, un cran en amont et un cran en aval. Qui me fournit quoi ? Je le vérifie. Qu'est-ce que je distribue et à qui ? Je le vérifie également. Voilà pourquoi Foodwatch demande une chaîne complète de la traçabilité et que l'on oblige chaque acteur à rendre des comptes. Ces acteurs ont-ils pris leurs responsabilités ? Si la réponse est non, il faut que des sanctions tombent et que ça soit dissuasif.
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