: Vidéo "Il faut qu'on arrête d'emmerder les Français" ou de les "saouler"... comment le lobby du vin parle à l'oreille du président Macron
Comment le très puissant lobby du vin a-t-il pu détricoter la loi Evin, au point de faire revenir une boisson alcoolisée sur les écrans de télévision ? "Complément d'enquête" sur l’ex-directrice générale de l'influente association Vin et Société… aujourd’hui conseillère agriculture d’Emmanuel Macron.
Sans montrer une seule bouteille, ils parlent de vin à 2 millions de téléspectateurs. Produits par la puissante association Vin et Société, des spots télévisés intitulés "Une minute, un vignoble" célèbrent les paysages viticoles... sur une chaîne du service public.
Mais qu'en pense Claude Evin, l'ancien ministre de la Santé (1988-1991) qui a donné son nom à une loi emblématique interdisant la publicité pour les boissons alcoolisées ? Retiré de la vie politique, il est aujourd'hui avocat à Paris, où "Complément d'enquête" l'a interrogé. "Sur l'aspect publicité, la loi ne correspond plus du tout à ce qu'elle était en 1991. Le cadre législatif autorise n'importe quoi", reconnaît-il, désabusé.
Et ce n'est pas cette sortie récente du chef de l'Etat qui va le rassurer... En février 2018, lors d'une réception à l'Elysée, Emmanuel Macron le promet à un viticulteur inquiet : lui président, pas question de durcir la loi Evin. "On n'a pas besoin de ça. S'il y a des jeunes qui se saoulent, ils ne se saoulent pas au vin français." Et d'en rajouter une goutte, reprenant la célèbre formule de Georges Pompidou : "Il faut qu'on arrête d'emmerder les Français." Des mots qui font bondir l'ancien ministre de la Santé.
"Ce qui va vraiment saouler les Français"
Et des mots qui rappellent une autre formule, souligne cet extrait de "Complément d'enquête". "Ce qui va vraiment saouler les Français", c'était l'un des slogans d'Audrey Bourolleau, la stratège de Vin et Société. Elle avait même été récompensée pour cette campagne de communication.
Coïncidence ? Derrière le président face aux viticulteurs apparaît la même Audrey Bourolleau... Après avoir quitté Vin et Société en 2017 pour rejoindre le candidat Macron en campagne, elle est devenue conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural à l'Elysée.
"Ça, c'est vraiment la faute morale"
"Faire dire une bêtise aussi importante à Emmanuel Macron, c'est extraordinaire", réagit l'un des pontes de la lutte contre l'alcoolisme, le Dr Philippe Batel. Une petite phrase impardonnable, selon lui : "Oui, en effet, n'emmerdons pas les Français avec un produit qui coûte 17,6 milliards d'euros à la nation, et qui tue 49 000 personnes [c'est le chiffre annuel des morts liées à l'alcool]... Ça, c'est vraiment la faute morale."
Extrait de "Lobby du vin : l'ivresse du pouvoir", un reportage à voir dans "Complément d'enquête" le 28 février 2019.
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