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Aspartame : une ONG réclame une commission d'enquête parlementaire

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a jugé mardi que l'aspartame, régulièrement accusé de favoriser cancers et naissances prématurées, était "sûr pour la consommation humaine". Le Réseau environnement santé réclame une commission d'enquête parlementaire.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Pour atteindre la dose journalière acceptable d'aspartame fixée par l'Efsa, il faudrait boire une trentaine de canettes de soda light par jour. (CHARLIE ABAD / PHOTONONSTOP / AFP)

L'aspartame est sans danger. C'est ce qu'a conclu, mardi 10 décembre, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), qui doit réévaluer d'ici 2020 la totalité des additifs alimentaires autorisés dans l'Union européenne avant le 20 janvier 2009.

"L’aspartame et ses produits de dégradation sont sûrs pour la consommation humaine aux niveaux actuels d'exposition", affirme-t-elle dans sa première évaluation complète des risques associés à cet édulcorant. Ses experts ont aussi "exclu le risque potentiel que l’aspartame provoque des dommages aux gènes ou induise le cancer".

Un avis qui ne convainc pas tout le monde : le Réseau environnement santé dénonce "une fraude" et demande l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire.

Francetv info fait le point sur ce faux sucre, dont la possible toxicité continue d'être une source d'inquiétudes.

C'est quoi, l'aspartame ?

L’aspartame, ou E951, est un édulcorant artificiel découvert par hasard en 1965 par le chimiste américain James Schlatter, qui cherchait à mettre au point un médicament anti-ulcère. Faible en calories, son pouvoir sucrant est environ 200 fois supérieur à celui du saccharose (l'autre nom du sucre de table). Cet additif alimentaire est commercialisé en France depuis 1988.

Le Comité scientifique de l'alimentation humaine a établi pour l'aspartame une dose journalière acceptable (DJA, quantité qu'un individu peut consommer quotidiennement pendant toute sa vie sans risque pour sa santé) de 40 mg par kilo, indique l'Efsa dans sa Foire aux questions dédiée

Pour atteindre cette DJA, "un adulte pesant environ 60 kg devrait boire 12 canettes (330 ml) d’un soda allégé qui contiendrait de l’aspartame au niveau maximum autorisé, tous les jours pendant le restant de sa vie", tempère l'Autorité. Sachant que les sodas sucrés à l'aspartame en contiennent généralement des niveaux faibles, la limite serait plutôt d'une trentaine de canettes par jour.

Où en trouve-t-on ?

Chewing-gums, yaourts, sodas, produits amincissants, sirops pour la toux… On trouve de l'aspartame dans environ 6 000 produits de consommation courante et 500 produits pharmaceutiques.

Au sein de l’Union européenne, tous les produits qui en contiennent doivent obligatoirement le mentionner sur leur emballage ou porter la mention "contient une source de phénylalanine", un des composants de l'aspartame.

Pourquoi est-il montré du doigt ?

En 2006, 2009 et 2011, les experts de l'Efsa avaient publié des avis ne justifiant pas une révision des évaluations précédentes de la sécurité de l’aspartame ou de sa DJA. Mais depuis sa mise sur le marché dans les années 80, il continue de susciter doutes et inquiétudes. Car une fois ingéré, ce faux sucre constitué d'acide aspartique, de phénylalanine et méthanol se décompose dans l'organisme.

Et la toxicité de la phénylalanine, sa carcinogénicité et ses possibles effets sur le développement du fœtus continuent d'être montrés du doigt. Une étude danoise (en anglais) publiée en 2010 affirme que la consommation d'au moins une boisson gazeuse contenant un édulcorant augmente en moyenne de 38% les risques de naissance avant terme, 78% quand c'est plus de quatre.

Dans ce contexte, fin 2011, des scientifiques, gynécologues et pédiatres du Réseau environnement santé – à l'origine de l'interdiction du bisphénol A dans la fabrication des biberons – ont interpellé les autorités sur la nécessité d'alerter les femmes enceintes sur les dangers de cet édulcorant.

La substance élèverait également les risques de cancers du foie et du poumon, selon les conclusions d'un chercheur italien qui a mené des tests sur 240 souris mâles. Pour les scientifiques de l’Efsa, "la validité de l’étude et l’approche statistique adoptée ne pouvaient pas être évaluées et, par conséquent, les résultats ne pouvaient pas être interprétés correctement". L'aspartame, substitut au sucre, favoriserait aussi le diabète en induisant une hausse du taux d'insuline. Un comble. Le risque serait "supérieur de 15% pour une consommation de 0,5 litre par semaine et 59% pour 1,5 litre par semaine", estimaient deux chercheurs français en février, dans une étude citée par Metro.

Que répond l'Efsa ?

L'Autorité est catégorique : "L'aspartame et ses produits de dégradation ne [posent] pas de problème de toxicité aux niveaux actuels d’exposition." Par ailleurs, les produits en questions sont aussi présents naturellement dans les fruits et légumes en plus grande quantité que dans l'aspartame, souligne l'Autorité. Ainsi, une portion de lait écrémé "apporte environ 6 fois plus de phénylalanine et 13 fois plus d’acide aspartique qu’une quantité équivalente d’une boisson diététique édulcorée à base d’aspartame uniquement".

L'Efsa revient notamment sur l'étude danoise démontrant un risque de naissance prématuré : elle ne présente "pas de preuve permettant d'établir une relation de cause à effet entre la consommation de sodas contenant des édulcorants artificiels et les accouchements prématurés". Son groupe d'experts conclut ainsi "qu'il n'existe aucun problème de sécurité pour les femmes enceintes aux niveaux actuels d'exposition" et détaille ici (PDF, en anglais) les raisons pour lesquelles cette étude est écartée.

Mais les ONG ne sont pas convaincues. André Cicolella, fondateur du Réseau environnement santé, joint par francetv info, dénonce "une fraude""On va demander à ce qu'il y ait une commission d'enquête parlementaire, l'Agence française de sécurité sanitaire ne peut pas continuer à s'aligner sur l'Agence européenne", tonne le spécialiste de l'évaluation des risques sanitaires. "On n'est pas dans un débat de nature scientifique, mais politique. C'est maintenant aux parlementaires d'agir, comme sur le bisphénol A."

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