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"On va aller vers des dérives" : la question des tests ADN généalogiques débattue à l'Assemblée nationale

Dans le cadre de l'examen du projet de loi bioéthique, la question d'un encadrement des tests ADN pour connaître ses origines est débattue à l'Assemblée nationale. Ils restent interdits en France, mais de nombreux Français en achètent à l'étranger.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Environ 100 000 Français font l'achat de tests génétiques "récréatifs" chaque année (illustration). (CLAUDIO REYES / AFP)

L’examen du projet de loi de bioéthique se poursuit à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, et devrait se terminer vendredi 31 juillet au soir. En dehors du projet d’ouvrir la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes, une autre mesure devrait faire l’objet de discussions passionnées : la question des tests génétiques. Les députés vont devoir décider s’ils doivent être légalisés et encadrés.

Malgré l'interdiction des tests ADN généalogiques en France, les Français sont de plus en plus nombreux à en acheter via des sociétés étrangères. Isabelle, par exemple, a acheté un test ADN il y a quelques mois sur le site israélien MyHeritage.com, "pour savoir si les origines dont ma famille parlait étaient vraiment mes origines, attestées par l'ADN". Ce genre de test généalogique est appelé "récréatif", c'est-à-dire qu'il n'a pas de portée médicale ou scientifique. "Je me suis rendu compte que j'avais du sang italien et je n'étais absolument pas au courant de ces ascendances italiennes, poursuit Isabelle. Évidemment, ils gardent les données, mais personnellement, ça ne me dérange pas du tout. Je n'ai aucun secret particulier."

Des données à plusieurs millions de dollars

À grande échelle se pose pourtant la question de l'utilisation des données. Pour Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l’université Paris-Saclay, ces entreprises israéliennes, américaines ou canadiennes pour la plupart, peuvent ensuite en faire ce qu'elles veulent. "Ce qui les intéresse, c’est surtout de récolter des données de santé. Un certain nombre de grandes sociétés ont vendu par exemple des données de santé, qui sont des données sensibles, à des laboratoires comme GSK. La dernière vente a représenté une transaction de cinq millions de dollars."

En France, ces tests génétiques "récréatifs" sont interdits. Mais ils existent ailleurs dans le monde et 100 000 Français en achètent chaque année. C'est ce qui a poussé le député apparenté Modem Bruno Fuchs à déposer un amendement au projet de loi de bioéthique pour les autoriser.

La donnée ADN "concerne aussi votre famille"

Pourtant, si ce type de test ne semble regarder que celui qui l'achète, Emmanuel Hirsch souhaiterait de son côté en rester à l'interdiction actuelle en France. "Si demain, on n'est pas attentif à préserver le cadre à la fois médical, scientifique ou juridique de l’utilisation de ces tests, on va aller vers des dérives."

L’assureur demandera à ce que vous ayez accès à des données génétiques qui permettent de savoir si on vous assure ou pas.

Emmanuel Hirsch

à franceinfo

"On rentre dans ce que la bioéthique a voulu éviter, c’est-à-dire les stigmatisations, les discriminations, poursuit le professeur d'éthique médicale. En plus, la donnée ADN ne concerne pas que vous, elle concerne aussi votre famille."

L’amendement insiste sur le fait que légaliser ces tests en France permettrait de sécuriser les données de santé. Emmanuel Hirsch, de son côté, précise que la France n’est pas spécialement un modèle en la matière. Ironie de l'histoire, elle a jusqu’ici confié sa plateforme nationale de données de santé... au géant américain Microsoft.

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