: Reportage "En guérir n'est plus un fantasme" : au congrès annuel de Chicago, de nouveaux espoirs dans la lutte contre le cancer du poumon
En posant ses bagages à Chicago, Valérie Montagny rêvait de quelques bonnes nouvelles. Dans les immenses allées du congrès annuel de cancérologie (Asco), elle en a récolté plus qu'espéré. A 57 ans, dont sept à combattre la maladie, cette présidente d'une association de malades du poumon fait partie des rares invités d'honneur de cette grand-messe de la lutte anticancer, qui se tient du 31 mai au 4 juin. "J'y suis pour porter la voix des patients. C'est à chacun d'entre eux que je pense quand je vois les annonces positives s'accumuler, à l'espoir que cela va susciter", explique-t-elle.
Il y a de quoi. Cette année, la moisson scientifique est plus que bonne dans le champ des tumeurs thoraciques. Deux études, présentées dimanche 2 juin, font même sensation dans la très sélective session dite "plénière" du congrès, où il est question d'avancées majeures. Une sorte de Graal.
Une immunothérapie qui augmente les chances de survie
Parmi les médicaments qui vont changer la donne, figure notamment une immunothérapie. Elle a été administrée à des patients atteints d'une forme très agressive de cancer du poumon, le cancer à petites cellules (CBPC), très majoritairement imputable au tabac. Le chanteur Florent Pagny avait notamment déclaré dans la presse souffrir de ce type de tumeur.
Administrée après la combinaison de traitements chimio et radiothérapie, cette immunothérapie réduit de 27% le risque de décès, a-t-on appris dimanche. Encore plus parlant : 56% des patients sont encore en vie trois ans après leur diagnostic, contre 47% auparavant, soit une augmentation de la survie globale de près de 10%. "10%, ça peut paraître peu, mais à l'échelle de la cancérologie, c'est colossal !", commente le docteur Maurice Pérol, chef du département d'oncologie thoracique au Centre Léon Bérard, à Lyon.
"Ça veut dire qu’on espère guérir 10% de malades en plus. Face à un ennemi redoutable, ça compte."
Maurice Pérol, chef du département d’oncologie thoracique au Centre Léon Bérardà France Télévisions
De mémoire de médecin, il n'y avait pas eu une telle avancée dans cette forme de la maladie depuis vingt-cinq ans. Injectée une fois par mois pendant deux ans au malade, l'immunothérapie entraîne le système immunitaire à repérer les cellules cancéreuses et à les détruire. En France, 2 000 patients – sur les 52 000 nouveaux cas de cancer du poumon chaque année – pourraient être éligibles à ce traitement. Une bonne nouvelle au regard de chiffres implacables : le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde comme en France. Une personne en meurt toutes les vingt minutes.
Une thérapie ciblée contre le cancer du "non-fumeur"
Au McCormick, le grand centre des congrès de Chicago, un autre traitement est lui aussi sous le feu des projecteurs. Cette fois, il s'agit d'une thérapie ciblée qui porte ses fruits dans une autre forme de cancer du poumon, celui causé par une mutation dite de l'EGFR. On parle communément de cancer du "non-fumeur", dont la pollution aux particules fines est soupçonnée de contribuer au développement.
Pour celui-ci, l'immunothérapie n'est pas efficace. L'étude présentée dimanche montre en revanche une réduction considérable du risque du rechute des patients qui ont reçu la thérapie ciblée – sous forme de comprimés – après leur chimio et radiothérapie. Deux ans après leur diagnostic, 65% des patients qui ont reçu la thérapie ciblée n'ont pas rechuté, contre 12% seulement des malades qui ont eu le protocole standard. "Le traitement ciblé bloque la protéine responsable du cancer, c'est très encourageant", observe le docteur Maurice Pérol, qui estime à 600 le nombre de malades français qui pourraient bénéficier du traitement.
"Pour les patients, tous ces mois gagnés sans rechute, cela veut dire moins de temps à l'hôpital mais plus, beaucoup plus, avec leur famille, leurs enfants. Plus de temps à voyager, à faire des activités, à vivre normalement", liste Valérie Montagny, yeux bleus émus devant le lac Michigan qui entoure la ville américaine.
"Plus rien n'est impossible"
Ni elle ni Anne-Laurence Coursier, une autre malade de 47 ans qui a fait le voyage, ne sont éligibles à ces traitements, mais elles n'en restent pas moins convaincues : "Cela met en lumière les formes mutées qui touchent beaucoup les jeunes, les femmes, les sportifs, et dont on parle trop peu. Et ça montre que plus rien n'est impossible."
Ce n'est pas le professeur Nicolas Girard, onco-pneumologue à l'Institut Curie, à Paris, qui les contredira. Il sort tout juste d'une session où l'efficacité d'un médicament ciblé contre une autre forme très particulière du cancer (dite ALK) a été démontrée, avec près de 60% des patients toujours en vie cinq ans après le diagnostic de leur maladie.
"Cet Asco 2024 montre finalement que tous les sous-groupes du cancer du poumon sont couverts par un médicament, voire deux. Et ça, c’est nouveau."
Nicolas Girard, onco-pneumologue à l’Institut Curieà France Télévisions
Il y a dix ans, alors qu'il était jeune médecin, seuls 5% des nouveaux malades étaient encore en vie cinq ans plus tard. "Aujourd'hui, on est à 15, voire 20%. Guérir d'un cancer du poumon n'est plus un fantasme, tranche-t-il. Vous vous rendez compte de ce que ça signifie pour les malades et pour nous, qui soignons ?"
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