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Pilule : "Si un médicament n'a pas de risque, il n'est pas efficace"

L'Agence nationale de sécurité du médicament estime que la pilule entraîne chaque année 2500 accidents et 20 décès prématurés. Israël Nisand, gynécologue obstétricien, défend néanmoins la contraception. 

Article rédigé par Fabien Magnenou - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Israël Nisand, professeur de gynécologie-obstétrique, à Strasbourg (Bas-Rhin), le 4 octobre 2010.  (FREDERICK FLORIN / AFP)

Une nouvelle étude brocarde les pilules contraceptives, toutes générations confondues. Leur utilisation entraîne, chaque année en France, plus de 2500 "accidents", par formation de caillots dans les veines, et 20 "décès prématurés" de femmes, estime l'ANSM dans un rapport publié mardi 26 mars. Quatorze morts sont attribuables aux pilules de 3e et 4e génération, indique l'étude qui porte sur les années 2000 et 2011. Il faut cependant ramener ce chiffre aux 4,27 millions de femmes qui utilisent chaque année ces contraceptifs oraux combinés (COC) en France.

Le professeur Israël Nisand est gynécologue obstétricien au CHU de Strasbourg (Bas-Rhin). Il entretient des liens avec les laboratoires Effik (qui produit des pilules), dont il a coanimé une conférence de presse en février 2011, fait remarquer Le Monde. Avant de rendre un rapport sur la contraception et l'avortement chez les jeunes filles, en février 2012. 

Contacté par francetv info, il dénonce un message hostile aux libertés des femmes, alors même que le rapport bénéfice-risque de ces contraceptions est très positif. 

Francetv info : Ces chiffres sont-ils étonnants ? 

Israël Nisand : Je m'interroge sur la provenance de ces chiffres avant de m'en émouvoir. Ce qui m'intéresserait, c'est de connaître l'analyse précise de ces vingt dossiers : si les femmes fumaient, si elles étaient obèses, si elles ont voyagé en avion... Ces statistiques sont imprécises, elles ne veulent rien dire. Je rappelle que 5 millions de femmes utilisent la contraception orale. Le doliprane et l'aspirine ont des résultats bien pire ! On avait pris l'habitude de considérer que la contraception orale n'était pas un médicament car il n'y avait, soi-disant, pas de risque. Mais si un médicament n'a pas de risque, il n'est pas efficace.

Que reprochez-vous à ce type d'études ? 

Pourquoi on panique tellement les femmes ? Ces derniers mois, on s'est penché sur les médicaments pour la contraception, on a parlé du retour précoce à domicile après accouchement. Il y a une "mauvaise météo" sur les femmes, on régresse sur leurs droits. La contraception a libéré la sexualité des femmes et permis de baisser la mortalité liée aux grossesses non désirées. Mais les médecins n'arrêtent pas de faire des calculs et d'informer les patientes ! C'est leur métier d'évaluer le risque comparé. Je suis étonné qu'on ne s'intéresse pas aux médicaments que prennent les hommes.

Que reprochez-vous à l'Agence nationale du médicament ?

L'ANSM s'honorerait de donner ces chiffres de manière régulière. Ils n'ont pas fait d'analyses depuis plusieurs années alors que l'Agence est richement dotée et qu'elle dispose de moyens d'évaluation. Au lieu de ça, elle produit une analyse imprécise, comme toutes ces agences qui cherchent vite à se couvrir après l'affaire du Mediator. L'ANSM n'a pas fait son boulot !

Elle aurait dû montrer que ces chiffres de mortalité ont baissé considérablement depuis cinquante ans, notamment grâce à la pilule de 3e génération. Les médecins ont plus souvent prescrit ce type de contraception aux femmes à faible risque, ce qui explique qu'elle soit plus souvent incriminée. Le corps médical est mort de rire quand il voit ces statistiques. Pas moi. Etant féministe, je vais médiatiser l'affaire.

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