Des bactéries contre l'asthme ?
Les causes de l'asthme sont multiples, avec quelques composantes génétiques, et de nombreux aspects environnementaux. Parmi les facteurs qui peuvent augmenter le risque d’apparition de l’asthme, on peut citer la prise de certains antibiotiques par la mère pendant la grossesse ou par le nourrisson, le stress maternel, un accouchement par césarienne, une consommation trop précoce de lait non-maternel, ou le fait de grandir en ville. Reste à savoir quels mécanismes sont en jeu.
Des chercheurs ont récemment fait observer que nombre de ces paramètres environnementaux ont une influence démontrée sur notre flore intestinale. La remarque n'a rien d'anecdotique : de récentes expériences sur la souris[1] ont démontré que le microbiote intestinal joue un rôle non négligeable dans le développement du système immunitaire. De même que l’exposition précoce à certains antigènes tend à prémunir le développement d’allergies, la sécrétion de certaines substances par nos bactéries intestinales pourrait moduler quelques-unes de nos défenses immunitaires.
Pour étudier la pertinence de ces hypothèses dans le cas de l’asthme, une équipe canadienne a analysé des prélèvements de matière fécale de 319 nourrissons de moins de trois mois. Trois ans plus tard, les chercheurs ont identifié, dans le même groupe d’enfants, ceux présentant des signes avant coureurs d’asthme (dermatites atopiques et sibilance, c’est-à-dire des sifflements respiratoires). Après analyse, il s’est avéré que chez ces enfants, quatre types de bactéries intestinales étaient très fortement sous-représentées dans les échantillons fécaux : Faecalibacterium, Lachnospira, Veillonella et Rothia.
Mais peut-être cette déficience était-elle la conséquence d’un déficit immunitaire, et non la cause… Pour trancher, les chercheurs ont inoculé à des souriceaux d'une lignée asthmatique ces quatre familles de bactéries. Leurs symptômes se sont révélés "significativement moins prononcés" que ceux des souriceaux non traités.
Les chercheurs postulent donc que les nouveau-nés à risque pourraient être protégés "à vie" contre l'asthme si ces bactéries leur étaient également inoculées à la naissance. Ils notent que le taux de diverses bactéries dans les selles des enfants à un an n’est pas corrélé au risque d'asthme, suggérant fortement que les interactions entre microbiote et système immunitaire, dans le cas de ce trouble respiratoire, se joue très tôt dans la vie de l'enfant.
Source : Marie-Claire Arrieta et al. Early infancy microbial and metabolic alterations affect risk of childhood asthma. Science Translational Medicine, 30 sept. 2015. doi:10.1126/scitranslmed.aab2271
[1] Voir sur ce sujet :
- J. R. Hunt et al. Intragastric administration of Mycobacterium vaccae inhibits severe pulmonary allergic inflammation in a mouse model. Clin. Exp. Allergy 35, 685–690 (2005).
- P. Forsythe et al. Oral treatment with live Lactobacillus reuteri inhibits the allergic airway response in mice. Am. J. Respir. Crit. Care Med. 175, 561–569 (2007).
- A. Shreiner et al. The “microflora hypothesis” of allergic disease. Adv. Exp. Med. Biol. 635, 113–134 (2008).
- K. Atarashi et al. Induction of colonic regulatory T cells by indigenous Clostridium species. Science 331, 337–341 (2011).
- A. Trompette et al. Gut microbiota metabolism of dietary fiber influences allergic airway disease and hematopoiesis. Nat. Med. 20, 159–166 (2014).
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.