Le cercle vicieux de l'obésité décrypté
L'obésité tourne souvent au cercle vicieux, la situation s'aggravant d'années en années. Et ce cycle serait encouragé par une inflammation chronique de l'intestin grêle, selon une étude française publiée le 18 juin dans la revue Cell Metabolism. Chez les personnes obèses, la partie centrale de l'intestin grêle, le jéjunum, est perturbée. Alors qu'il mesure entre 2 et 8 mètres chez les personnes au poids normal, le jéjunum est trois fois plus large chez les obèses. Les milliers de replis intestinaux qui tapissent le tube digestif sont alors beaucoup plus nombreux et accélèrent l'absorption des nutriments. Plus les lipides et glucides sont absorbés, plus la prise de poids augmente.
Le rôle du jéjunum était jusqu'alors peu connu car il était compliqué d'en prélever des échantillons. Pour étudier celui des personnes obèses, les chercheurs ont recruté 185 volontaires, qui subissaient une chirurgie de l'obésité (by-pass). Pendant l'opération, un petit fragment de l'intestin a été récolté et comparé avec ceux de 33 personnes de poids normal. Le jéjunum, placé entre l'estomac et le gros intestin, joue un rôle clé dans l'absorption des lipides, glucides et protides.
Une perturbation de l'immunité qui favorise la résistance à l'insuline
En plus d'assimiler plus de graisses et de sucres, l'intestin grêle des personnes obèses a également un système immunitaire différent. Une piste de plus qui montre que l'aggravation de obésité est auto-encouragée par l'intestin. Les chercheurs ont ainsi observé qu'un nombre accru de cellules immunitaires, comme les lymphocytes, circulaient dans le jéjunum des personnes obèses. Et ces dernières relâchent des molécules qui servent à la communication entre cellules : les cytokines. Or, ce sont ces cytokines qui induisent une inflammation chronique de l'intestin.
Ces molécules favorisent également la résistance des cellules à l'insuline. Une hormone indispensable pour réguler le taux de sucre dans le sang, qui permet au glucose d'entrer dans les cellules pour les nourrir. Sous l'action des cytokines, le sucre et les lipides ne peuvent s'introduire dans les cellules et circulent alors dans l'organisme vers d'autres organes. En conséquence, ce cycle d'irritation favorise la prise de poids et le stockage des graisses.
D'autre part, les chercheurs ont montré que la colonisation des molécules inflammatoires était graduelle, en fonction de la sévérité de l'obésité.
Des anti-inflammatoires pour lutter contre l'obésité ?
Depuis plus de 10 ans, cette équipe de l'Inserm et du CNRS étudie le rôle clé de l'inflammation dans l'obésité. Foie, tissu adipeux et même muscle paraissent enflammés lors de cette maladie et les cytokines en sont souvent la cause.
Si l'inflammation de l'intestin aggrave l'obésité, on peut alors imaginer traiter cette maladie par des anti-inflammatoires. Cependant, ces médicaments agressent généralement le tube digestif. Les chercheurs s'attèlent désormais à trouver de nouvelles thérapeutiques non invasives pour réduire l'état inflammatoire intestinal.
-----
Ces travaux, réalisés au Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/UPMC/Université Paris Descartes) et au sein de l'Institut de cardiométabolisme et nutrition (ICAN - Inserm/UPMC/AP-HP), on été publiés le 18 juin dans la revue Cell Metabolism : Jejunal T Cell Inflammation in Human Obesity Correlates with Decreased Enterocyte Insulin Signaling. M. Monteiro-Sepulveda et al. Cell Metabolism, juin 2015. doi:10.1016/j.cmet.2015.05.020
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.