Sida : l'incroyable rémission d'une jeune Française
Il a fallu attendre douze ans pour que le cas soit dévoilé. Une jeune fille infectée par le virus du sida en fin de grossesse, est aujourd'hui en rémission prolongée. Agée de 18 ans, elle a été sous traitement antirétroviral jusqu'à l'âge de 6 ans avant de le stopper brutalement. Ce premier cas mondial montre "qu'une rémission prolongée après un traitement précoce peut être obtenue chez un enfant infecté par le VIH depuis la naissance", selon l'étude française présentée le 20 juillet 2015 par le Dr Asier Sáez-Cirión de l'Institut Pasteur, à la 8e conférence sur la pathogenèse du VIH à Vancouver.
L'enfant était née en 1996, infectée en fin de grossesse ou lors de l'accouchement par sa mère, qui possédait une forte quantité de VIH dans le sang, non contrôlée par les médecins de l'époque. La mère a été immédiatement traitée par l'antirétroviral zidovudine pendant six semaines. Mais sa fille a tout de même été diagnostiquée porteuse du VIH "un mois après sa naissance", selon les travaux menés par l'Institut Pasteur, l'Inserm et l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Douze années sans aucun traitement
Deux mois après sa naissance, alors que la charge virale du bébé continue d'augmenter, les médecins mettent en route un traitement lourd, associant quatre antirétroviraux. Il durera six ans. L'enfant a ensuite "été perdue de vue" par le corps médical et "sa famille a décidé d'interrompre la prise des antirétroviraux", indique le Dr Asier Sáez-Cirión. Un an après, la petite fille revoit l'équipe médicale, qui constate alors que le virus est devenu presque invisible dans son sang. La fillette "avait une charge virale indétectable (moins de 50 copies d'ARN-VIH par ml de sang)" et il a été alors décidé de "ne pas reprendre le traitement", note l'étude.
Maintenant âgée d'un peu plus de 18 ans, cette jeune femme "présente toujours une charge virale indétectable (...) sans avoir jamais repris d'antirétroviraux". Depuis, aucun marqueur n'est détectable dans son sang. Son nombre de lymphocytes CD4, les cellules responsables de la mémoire immunitaire contre les maladies, est resté stable tout au long de ces années.
Comment expliquer cette rémission ?
Pour le Dr Asier Sáez-Cirión "c'est le fait d'avoir reçu très tôt après sa contamination une combinaison d'antirétroviraux qui lui permet d’être en rémission virologique depuis aussi longtemps". Au tout début de l'infection, le système immunitaire s'affole rapidement. C'est cette suractivation qui permet au virus de progresser dans l'organisme. Traiter dès les premiers instants limite donc cet envahissement, selon l'ANRS.
Autre avantage du traitement précoce : il limite les réservoirs du virus. Ces réservoirs sont constitués de cellules du système immunitaire qui vivent très longtemps en gardant en mémoire l'infection. Elles permettent la persistance du VIH à long terme. En réduisant le nombre de réservoirs, on permet au patient de faire diminuer sa charge virale dans le temps. Par ailleurs, la prise précoce d'antirétroviraux préserve les défenses immunitaires.
Une méthode qui fonctionne chez l'adulte
Ce n'est pas la première fois que ce type de rémission est observé… mais chez l'adulte ! Une vingtaine d'adultes, traités moins de dix jours après avoir été contaminés par le VIH, pendant trois ans en moyenne. Dix ans plus tard, la majorité avait réussi à se passer de traitement tout en contrôlant l'infection, selon une étude de 2013 menée par l'ANRS. Cette nouvelle étude apporte alors la preuve que le concept de rémission à long terme est possible à la fois chez l'adulte et chez l'enfant.
Attention néanmoins, cette technique, expérimentale, ne fonctionne pas à tous les coups… En 2013 aux Etats-Unis, un nourrisson que les médecins pensaient également en rémission a finalement vu sa charge virale remonter. La rémission du "Mississipi baby" n'a finalement été que de vingt-sept mois après l'arrêt du traitement antirétroviral.
Rémission et non guérison !
En réalité, la prise précoce du traitement ne serait pas le seul facteur à entrer en jeu. Les singularités de chaque patient influenceraient également la rémission. Si le cas de la jeune femme "est un fait clinique majeur qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche", il est cependant à souligner que "cette rémission ne doit toutefois pas être assimilée à une guérison", estime le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS.
"Cette jeune femme reste infectée par le VIH et il est impossible de prédire l’évolution de son état de santé", ajoute-t-il. La jeune femme présente en effet toujours une signature virale extrêmement faible, inférieures à quatre copies d’ARN VIH par ml de sang. Toutefois, ce cas permet de plaider "en faveur d'une mise sous traitement antirétroviral de tous les enfants nés de mères séropositives le plus tôt possible après la naissance".
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