Une nouvelle molécule anti-douleur mieux tolérée que la morphine
La morphine a révolutionné la médecine. Puissant antalgique, elle a, par exemple, rendu possible des opérations qui auraient été impossibles sans elle. Mais son usage, et celui des opiacés apparentés, se fait au prix d'effets secondaires (dépendance, constipation) dont certains potentiellement mortels (arrêt respiratoire). Les scientifiques essaient donc de faire mieux et trouver une molécule aussi efficace que la morphine, mais plus inoffensive.
Une équipe mixte américaine et allemande semble "tenir" une molécule très intéressante. Nommée "PZM21", elle s’est montrée chez la souris aussi efficace que la morphine, mais avec des effets indésirables très réduits. L’étude a été publiée mercredi 17 août dans la revue Nature.
Une molécule à effet plus prolongé et plus sûre
La nouvelle molécule induit des effets anti-douleur comparables à ceux de la morphine, mais ils durent plus longtemps. L'analgésie serait même plus durable qu'avec un médicament expérimental, l'oliceridine (TRV130, société Trevena Philadelphie, Pennsylvanie) actuellement en dernière phase (phase 3) des essais cliniques humains.
Et "PZM21" est pratiquement dépourvue d'effets indésirables sur la respiration, selon les auteurs. Elle pourrait, en outre, engendrer moins d'accoutumance que la morphine et les produits apparentés. Les souris n’ont pas semblé vouloir rechercher la prise de médicaments aux cours de l'expérience.
Plus de 3 millions de molécules passées au crible
A la recherche de l'analgésique idéal, le Dr Brian Kobilka et ses collègues américains et allemands ont criblé sur ordinateur plus de 3 millions de molécules, avant d'identifier et d'obtenir la formule adaptée de "PZM21", jugée la plus prometteuse.
Au lieu de partir du médicament "à succès" qu’est la morphine et essayer de peaufiner sa structure pour la débarrasser de ses effets délétères, les chercheurs ont pris le parti d’une démarche beaucoup plus radicale. "Nous ne voulions pas seulement optimiser la chimie qui existait déjà", a déclaré Brian Shoichet, l’un des co-auteurs de l’étude. "Nous voulions obtenir une toute nouvelle molécule".
La détermination de la structure en trois dimensions (3D) du récepteur opioïde "mu"(μ), récepteur-clé dans l'effet anti-douleur, par une équipe franco-américaine, décrite en 2012 dans la même revue Nature, a grandement facilité cette recherche. "Dans les recherches traditionnelles, vous êtes comme enfermés dans une petite boîte chimique, a expliqué Brian Shoichet. Mais quand vous commencez avec la structure du récepteur que vous souhaitez cibler, vous avez moins de contraintes. Vous pouvez imaginer toutes sortes de choses auxquelles vous ne pouviez pas penser avant."
Les chercheurs ont activé le récepteur "mu", mais pas les autres récepteurs opioïdes (delta, kappa) et stimulé la bonne voie de signalisation, celle de l'anti-douleur.
Les addictions aux opiacés, un fléau surtout aux Etats-Unis
Avant que cette nouvelle molécule arrive dans les pharmacies, elle devra encore prouver sa sécurité et son efficacité chez les humains, ce qui prendra des années. Les recherches futures devront également vérifier si les souris - ou les humains - développent une accoutumance à la drogue, lui faisant perdre la puissance de son effet antalgique au fil du temps.
L’enjeu de ces recherches est de taille. L'abus d'opiacés est devenu un véritable problème de santé publique aux Etats-Unis. Les décès liés aux analgésiques opiacés comme le Fentanyl®, responsable de la mort du chanteur Prince, ont presque doublé entre 2000 et 2014 dans ce pays.
En 2014, 14.000 personnes sont mortes d'overdose après avoir abusé d'opiacés prescrits sur ordonnance, selon le Centre de contrôle des maladies (CDC). De 1999 à 2014, ces puissants antidouleurs ont été à l'origine de 165.000 décès aux Etats-Unis.
Source : Structure-based discovery of opioid analgesics with reduced side effects, Nature, 17 août 2016
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