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Validation du record de longévité de Jeanne Calment : les hypothèses russes n'avaient "aucune solidité" et étaient "faciles à démonter"

Jean-Marie Robine, le démographe et co-auteur de l'étude qui a validé le record de longévité de Jeanne Calment, morte à 122 ans, a notamment pointé sur franceinfo lundi la "vie sociale importante" de la fille de Jeanne Calment.

Article rédigé par franceinfo
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Des enfants de choeur sont assis derrière le portrait de Jeanne Calment, dans la Primatiale Sainte-Trophime, le 7 août 1997. (GEORGES GOBET / AFP POOL)

Une étude scientifique publiée lundi 16 septembre, qui se base sur de nouveaux documents et sur des modèles mathématiques, valide le record de longévité de Jeanne Calment, morte à 122 ans. Elle "balaie" tous les arguments d'une enquête russe, publiée en décembre 2018 sur le site ResarchGate, qui mettait en doute ce record, insinuant que la fille Yvonne s'était substituée à sa mère à sa mort à 99 ans pour ne pas payer les droits de succession. Cette substitution avancée "n'a absolument aucun sens", pour le démographe et co-auteur de l'étude Jean-Marie Robine. Lundi sur franceinfo, il a expliqué que les hypothèses n'avaient "aucune solidité" et étaient "assez faciles à démonter". Le chercheur a notamment pointé la "vie sociale importante" de la fille de Jeanne Calment avec de nombreuses photos, notamment récupérées via des dizaines, des centaines de personnes qui ont cherché du matériel partout, pour cette "contre-enquête Jeanne Calment".

franceinfo : Avez-vous maintenant la certitude que Jeanne Calment est morte à 122 ans ?

Jean-Marie Robine : Nous, nous en étions déjà certains. Je fais partie de l'équipe qui avait validé les documents administratifs qui permettaient de justifier l'âge de Jeanne Calment quand elle avait 120 ans, donc nous, nous en étions absolument certains et tout de suite, ce que vous appelez l'enquête des Russes, nous semblait une série d'hypothèses sans aucune solidité et surtout des insinuations assez faciles à démonter. Donc là, on a repris les principaux arguments de cette équipe russe, et on est allés faire ce qu'ils auraient dû faire, c'est-à-dire après avoir soumis une idée, une hypothèse, aller voir dans les nombreuses archives françaises ce qu'il en était exactement, et on a balayé comme ça tous leurs arguments.

Vous avez donc trouvé de nouveaux documents qui prouvent que Jeanne Calment n'a pas été remplacée par sa fille Yvonne et n'est pas morte à 99 ans comme le prétendent les Russes ?

Ces documents existaient déjà à l'époque mais ça n'intéressait absolument personne. Les Russes donnent comme motif de cette fraude [présumée] le fait de vouloir échapper au fisc et de ne pas payer les droits de succession. Puis ils donnent un deuxième motif, qui aurait été la souscription à une assurance viagère. La possibilité de cette fraude, c'est qu'aussi bien Jeanne Calment que sa fille auraient été très peu connues à Arles, parce qu'elles avaient des vies sociales très peu développées et qu'elles vivaient assez éloignées du centre d'Arles et que personne ne les connaissait vraiment. Donc ce sont tous ces arguments qu'on a balayés, en montrant qu'il n'y a absolument aucun de ces motifs, parce qu'il n'y a pas eu d'héritage en fait. L'héritage dont les Russes parlent n'a jamais eu lieu parce que Nicolas Calment, le père de Jeanne Calment, avait donné à ses enfants toute sa fortune cinq ans avant de mourir et qu'il avait payé à ce moment-là tous les droits liés à cette donation. Et qu'en échange de cette donation, ses deux enfants, Jeanne et François, devaient verser une rente annuelle de 5 000 francs. C'était comme un système d'assurance de retraite privée. Donner tous ses biens en avance à ses enfants qui en échange vous font vivre jusqu'au moment de votre décès. Mais au moment de votre décès, il n'y a plus rien à payer, et puis surtout ce n'est pas une sortie d'argent. Au contraire, ils ont arrêté de payer cette rente viagère à leur père.

Vous avez également exhumé un article paru en 1934 à l'occasion des obsèques d'Yvonne Calment, disant qu'il y avait une foule particulièrement nombreuse. S'il y avait eu fraude, la foule l'aurait remarqué, selon vous ?

Oui, parce que la foule ne s'est pas seulement rassemblée à l'église, mais une grande partie de la population a été invitée à se réunir à la maison familiale et pour participer vraisemblablement à une veillée funèbre telle qu'on les pratiquait à l'époque. On a par ailleurs retrouvé le faire-part du décès d'Yvonne Calment : ce faire-part est envoyé à 31 personnes et leurs enfants, plus une dizaine de familles associées, plus les employés du grand magasin. Cela fait un nombre incroyable de gens qui sont impliqués dans le décès et grâce au groupe Facebook qui s'appelle "La contre-enquête Jeanne Calment" et qui réunit des dizaines, des centaines de personnes. Ces dernières ont cherché du matériel partout et grâce aux familles alliées, nous avons maintenant de nombreuses photos aussi bien de Jeanne Calment que d'Yvonne Calment. Ces photos montrent qu'Yvonne Calment était très impliquée dans la vie sociale de son époque. Elle est tout le temps prise en photos dans des groupes de jeunes filles avant son mariage et puis après elle est prise en photo dans de nombreux mariages ou autres événements familiaux. Donc, finalement, elle avait une vie sociale importante ! Si au moment de son décès, c'était Jeanne Calment qui était décédée et qu'elle s'était substituée à sa mère, il y aurait de très nombreuses personnes très proches d'elle qui auraient vu la substitution. Ca n'a absolument aucun sens.

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