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"Difficile d’imaginer que ce qui ressemble à un bonbon peut tuer" : la consommation d'ecstasy inquiète les autorités

Ces comprimés de drogue colorés qui copient des logos de marque séduisent de plus en plus les jeunes, mal informés sur les dangers encourus.

Article rédigé par David Di Giacomo - Édité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des cachets d'ecstasy. Photo d'illustration. (UNIVERSAL HISTORY ARCHIVE / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL / GETTY IMAGES)

Après un dîner chez son père, le 31 août dernier, Louis, un jeune étudiant en droit de 21 ans, décide de sortir à Paris avec deux de ses amis. Ils ont déjà consommé occasionnellement de l'ecstasy en soirée et, en cette fin d'été, ils ont envie de recommencer. Mais cette nuit-là, le fils de Martin Chassang va en mourir. "Ils ont acheté un sachet de comprimés d'ecstasy pour 10 euros, qu'ils ont entièrement consommé, explique-t-il. Le sachet leur a été vendu par le dealer comme une dose unique, avec un message plutôt bienveillant, leur disant qu’avec ça ils devraient passer une bonne soirée. Quelques minutes plus tard, sur la piste de danse, Louis s'est effondré."

Sur ces petits comprimés, on peut parfois retrouver des logos de figurines de dessins animés, des bouddhas... Pour Martin Chassang, médecin urgentiste en région parisienne, "ça rappelle évidemment des petits bonbons colorés, et pour les jeunes, il est difficile d’imaginer que ces 'friandises' peuvent les tuer."

C’est une consommation qui est devenue d’une très grande banalité. Ils prennent ça comme nous on pouvait prendre un gin tonic au cours d’une soirée.

Martin Chassang

à franceinfo

Pour éviter "d’autres drames absolus", Martin Chassang a décidé de monter une association, nommée OneLifeNoEcstasy. Il promeut des messages de bienveillance "pour éviter que d’autres Louis meurent comme ça, banalement, un soir de fête". Ce médecin urgentiste explique ne pas avoir vu venir le danger de l’ecstasy : "On avait parlé de l’alcool, du cannabis, malheureusement l’ecstasy, je ne l’ai pas vu venir. Et si on arrive aujourd’hui à libérer la parole dans les familles, dans la société, on peut sauver des vies."

Martin Chassang n'a pas toujours eu l'énergie pour mener ce combat. "La douleur est permanente, confie-t-il. Elle change d’humeur d’un jour à l’autre. Parfois, elle nous terrasse, parfois elle est accompagnée de colère, de culpabilité, de tristesse. Mais le tee-shirt avec la photo de Louis me permet de me sentir un peu comme un soldat face à cette guerre, et je vais au front pour essayer de prêcher la bonne parole."

Martin Chassang, le père de Louis, mort d'une overdose d'ecstasy. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

L'effet d'une "roulette russe"

C'est le groupe "surdose" de la brigade des stups parisienne qui a enquêté sur la mort de Louis. Cette unité, unique en France, regroupe des policiers chargés d'élucider les décès provoqués par une consommation de drogue. L'an dernier, ils ont interpellé 24 dealers ou fournisseurs, soupçonnés d'être impliqués dans des overdoses mortelles. À Paris, neuf des 29 décès par overdose ont été liés à la prise de drogues de synthèse, un chiffre en hausse.

Et sur le terrain, ils le constatent : à dix euros le comprimé, l'ecstasy se banalise de plus en plus dans le milieu de la nuit. "On aimerait lutter contre l’image festive de ces drogues de synthèse, explique la commissaire Jessica Finet, en charge de la brigade des stupéfiants à Paris. Mais effectivement, il y a aujourd’hui de la part des trafiquants tout un marketing qui est mis en place... Finalement, les trafiquants sont quand même des commerçants avant tout. Mais il convient de rappeler que ces drogues sont létales même lorsqu’elles sont faiblement dosées."

Il y a un phénomène de roulette russe, certains peuvent en mourir et d’autres pas.

Jessica Finet

à franceinfo

D'après la commissaire Jessica Finet, l'importation de ces cachets se fait essentiellement depuis les Pays-Bas : "On a constaté, dans plusieurs de nos affaires, des organisations criminelles qui se professionnalisent dans l’importation de ces cachets, avec des modes opératoires très perfectionnés, comme l’utilisation de voitures avec des caches aménagées." Dans plusieurs affaires, des saisies ont été réalisées, avec 10 000 à 30 000 cachets d'ecstasy, l'équivalent de dizaines de kilos. Sur la France entière, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), plus d’un million de comprimés ont été saisis en 2018. Les teneurs moyennes ont augmenté au cours des dix dernières années.

Prévention des risques

La commissaire Jessica Finet décrit une véritable parce que le métabolisme de chaque consommateur va réagir différemment à la prise de MDMA, le principe actif de l'ecstasy. Des comprimés toujours plus gros, des doses toujours plus fortes, le risque s'est donc accentué ces dernières années. "Il n’y a pas de consommation sans danger; rappelle Victor Detrez, pharmacien à l'OFDT. Il peut y avoir un phénomène d’arnaque qui est bien connu dans le monde des drogues, mais aussi la possibilité d’acheter un produit très fort, beaucoup plus fort que ce que l’on recherche, et les usagers novices sont les plus exposés à ces risques parce qu’ils ne connaissent pas les réactions de leur corps face à un tel produit." Les association de prévention rappellent aux usagers qu’il faut fractionner les comprimés qui sont largement dosés, et éviter les mélanges avec l’alcool et d’autres drogues qui rendent les mélanges d’effet imprévisibles pour l’usager.

Il est important de réduire les risques associés à la réaction de son propre corps face au produit.

Victor Detrez

à franceinfo

Confrontés au retour en force de l'ecstasy, les établissements de nuit attendent des pouvoirs publics une vraie politique de prévention, comme celle mise en place pour l'alcool. "Une campagne de prévention nationale dans le cadre de la réduction des risques aurait un vrai intérêt pour nous, selon Aurélien Dubois, président de la chambre syndicale des lieux musicaux, festifs et nocturnes. On sollicite l’Etat pour être accompagné sur ces problématiques."

"Comment voulez-vous techniquement, malgré des palpations, des fouilles et des vérifications de sacs, que l’on arrive à trouver où sont dissimulés ces produits ? C’est impossible, alerte Aurélien Dubois. On est dépourvu de moyens par rapport à ce fléau qui est une épée de Damoclès sur la survie de nos établissements."

Alerte sur les dangers de l'ecstasy - Le reportage de David Di Giacomo

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