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Etats-Unis : accros aux opioïdes, ils blessent leur animal pour obtenir une ordonnance

Une enquête auprès de vétérinaires américains dévoile une incroyable conséquence de la crise des opioïdes. Des patients dépendants font souffrir leur animal pour se procurer des médicaments.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Etats-Unis : accros aux opioïdes, ils blessent leur animal pour obtenir une ordonnance (Crédit photo : ©Pixabay)

"Cela ressemblait à des coupures très propres, pas du tout les déchirures irrégulières que l'on voit dans la plupart des blessures d'animaux", a raconté le sergent Timothy Cleary de la police d'Elizabethtown dans le Kentucky à la chaîne d'information locale WKYT. Son équipe a été appelée par une clinique vétérinaire lorsque Heather Pereira, 23 ans, a amené pour la troisième fois son golden retriever avec les flancs lacérés. La jeune femme a finalement avoué qu'elle l'avait elle-même blessé avec une lame de rasoir.

Incroyable ? Comment peut-on infliger une telle souffrance à son chien ? Pour obtenir une drogue. Une drogue dans laquelle deux millions d'Américains sont tombés sur ordonnance. Mal de dos, migraines... un jour, leur médecin leur a prescrit un antidouleur à base d'opiacé, un "opioïde". Et ils sont devenus dépendants.


"USA : morts sur ordonnance", chronique de Géraldine Zamansky du 13 novembre 2017

Condamnée pour torture animale

Après des années d'aveuglement face au marketing massif des laboratoires pharmaceutiques, les autorités sanitaires américaines ont enfin réagi. Les prescriptions d'opioïdes sont désormais très encadrées et les renouvellements d'ordonnance souvent refusés. Mais comme l'accompagnement médical des patients en sevrage est très insuffisant, certains, en manque, sont prêts à commettre le pire. Ils se tournent parfois vers le trafic illégal... ou s'en prennent à leur animal de compagnie qui peut accéder aux mêmes traitements. À condition d'avoir mal. 

"Une histoire comme celle-ci, c'est vraiment une terre inconnue pour nous", raconte le Dr Chad Bailey de la clinique vétérinaire d'Elizabethtown qui a demandé l'aide de la police en constatant les blessures du chien d'Heather Pereira. À chaque fois, elles étaient nombreuses et nécessitaient plusieurs points de suture. Et à chaque fois, la jeune femme demandait spécifiquement du Tramadol... un antalgique puissant, pour les chiens aussi. Depuis elle a été condamnée pour torture animale et fraude afin d'obtenir une substance contrôlée. Son golden retriever a été confié à une famille d'accueil.

13% de vétérinaires confirment

Et ce type de faits divers se multiplie aux quatre coins des Etats-Unis avec de plus en plus de fractures de pattes étonnantes. "Les vétérinaires sont venus nous dire qu'ils suspectaient des propriétaires d'animaux de les blesser ou de les laisser souffrir en prenant leurs opioïdes reçus sur ordonnance (du vétérinaire ndlr)", explique Lee Newman, spécialiste du Centre pour la santé, le travail et l'environnement de l'école de Santé Publique du Colorado. Il a donc lancé avec son équipe une enquête auprès des professionnels de la santé des animaux.

13% des vétérinaires interrogés confirment : des "maîtres" d'animaux domestiques les ont mutilé ou maltraité afin d'obtenir un opioïde. Et près d'un sur deux était conscient de problèmes d'abus ou de détournement de ces traitements par des clients, ou par leurs équipes !

Mieux acompagner les patients en manque

Les experts de Santé Publique du Colorado appellent les autorités sanitaires à mieux inclure les vétérinaires dans leurs stratégies de prévention. Seuls certains Etats américains ont intégré la médecine animale dans les dispositifs d'enregistrement de chaque prescription d'opioïde. Du coup, il n'est plus possible de faire le tour des vétérinaires locaux en présentant un vieux chien arthrosique. L'alerte est immédiatement donnée.

Ces cas de torture animale traduisent la gravité de la crise des opioïdes qui secoue la société américaine depuis plusieurs années. "J'ai vu des personnes auxquelles on avait refusé de donner des opioïdes aux urgences, sortir, ouvrir le coffre de leur voiture et le refermer sur leur bras", explique le Dr John Grizzle, médecin à Oklahoma City, dans un reportage d'ABCNews. Il y a urgence à mieux accompagner ces patients en état de manque prêts à tout pour obtenir leur traitement. Pour les protéger eux-mêmes mais aussi leurs animaux de compagnie.

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