Baisse des ventes de cigarettes : "La diminution est forte car la hausse des taxes a été accompagnée d'autres mesures"
Le tabacologue Bertrand Dautzenberg a réagi sur franceinfo à la baisse des ventes de cigarettes en France en 2018.
"La diminution est très forte parce que cette fois la hausse des taxes a été accompagnée d'autres mesures" a estimé jeudi 10 janvier sur franceinfo le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue à Paris et secrétaire général de l’Alliance contre le tabac. Les ventes de cigarettes en France ont nettement reculé en 2018, avec 40,23 milliards de cigarettes livrées aux buralistes dans l'Hexagone, contre 44,36 milliards en 2017, soit un recul de 9,32% en volume.
franceinfo : Qu'est-ce qui explique cette baisse ? C'est uniquement la hausse du prix du tabac ?
Bertrand Dautzenberg : La diminution est très forte parce que cette fois la hausse des taxes a été accompagnée d'autres mesures, en particulier le fait que les substituts nicotiniques sont maintenant remboursés, il n'y a plus à les payer quand on va chez le pharmacien. Surtout, ils apparaissent comme des médicaments efficaces puisqu'ils sont remboursés pour "service médical important", et évalués par les autorités de santé. Et donc, les gens se sentent plus aidés pour arrêter de fumer. Le vapotage joue également un rôle important. Chez les jeunes en particulier, le vapotage ringardise le tabac. Mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. La France est partie de l'avant-dernière position en matière de tabagisme en Europe, il y a quelques années.
Cela veut peut-être dire aussi que la consommation de tabac sort des radars, avec la contrebande, le duty-free ou l'achat à l'étranger ?
Non, le duty-free est négligeable, la contrebande aussi, environ 4 à 5% dont la moitié est organisée par les cigarettiers eux-mêmes. Les achats transfrontaliers jouent un petit rôle, mais celui-ci est à peu près le même que lors du grand plan Chirac contre le cancer en 2002-2003 avec 20-25% d'achats transfrontaliers. On voit bien que le taux de fumeurs dans les régions frontalières de la Belgique, de l'Espagne, du Luxembourg, est plus important que dans le reste de la France. On voit par exemple qu'en Corse, il y a 30% moins de taxes, mais il y a aussi 30% de cancers du poumon en plus. Il vaudrait mieux qu'il y ait une législation européenne qui fasse le même prix partout. Mais augmenter les prix, c'est un bénéfice pour tout le monde.
Faut-il alors continuer d'augmenter les prix ? On parle d'un paquet à 10 euros en novembre 2020.
C'est une nécessite. La diminution de 10% de fumeurs par an est une bonne descente. Mais en même temps, si on descend trop vite, il y a aura des effets rebonds bien connus, qu'on avait déjà connu lors du premier plan cancer : on était passé de 82 milliards de cigarettes à 54 milliards en un an et demi, mais après il y a eu un effet rebond, parce que ce n'était plus toléré par la société. Il faut progresser avec une société française qui accepte cette augmentation. Là les augmentations sont bien acceptés par les fumeurs, les non-fumeurs, etc. Si la diminution reste au même rythme, autour de 10%, il faut garder les mesures prévues, pas besoin de prendre de nouvelles mesures.
L'objectif est qu'il y ait à nouveau 10% de ventes en moins de cigarettes en 2019 ?
L'objectif, c'est qu'il n'y ait plus de fumeurs en France bientôt, que les générations de fumeurs nés après 2014 soient avec moins de 5% de fumeurs à 18 ans. On va y arriver. Tous les pays développés y arrivent, la France est partie un peu en retard. Mais l'objectif de "Génération sans tabac" est tout à fait accessible, que les jeunes ne commencent pas à fumer. Le paquet neutre, de ce côté-là, joue un rôle très important, les contrôles de la publicité et des promotions des cigarettiers le sont aussi. Le point positif, c'est que les dernières statistiques montrent qu'il y a beaucoup moins de fumeurs chez les jeunes, les moins de 24 ans. Le taux de fumeurs des adultes entre 25 et 75 ans diminue aussi, mais un peu plus lentement.
Le fait d'avoir des générations de non-fumeurs qui vont remplacer les générations de fumeurs, c'est la bonne nouvelle. Si on ne fume pas à 25 ans, on sera peu dépendant au tabac. Le tabagisme, c'est une maladie de l'adolescence, c'est là que l'industrie du tabac inocule dans le cerveau des adolescents les récepteurs nicotiniques et les rendent dépendants à vie.
Le vapotage est un moindre mal ?
C'est même clairement un bénéfice. Si on regarde les statistiques, le vapotage est directement lié à la diminution du tabagisme. En sachant qu'on parle du vapotage contrôlé : interdit au mineur, pas partout, etc. Mais avec les règles que l'on a en France, le vapotage est un allié de l'arrêt du tabac. Santé public France a interrogé les Français lors du mois sans tabac de l'année dernière. Le vapotage est la première cause d'arrêt du tabac en France actuellement.
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