Les buralistes contre l'augmentation du prix du tabac : qu'ils "arrêtent de vendre des cigarettes aux moins de 18 ans et ils seraient plus crédibles", lance un tabacologue

Alors que les buralistes protestent contre la nouvelle hausse annoncée du prix du tabac au 1er janvier, le tabacologue Bertrand Dautzenberg leur répond ce mardi sur franceinfo.
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Présentation du prochain programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 (LUC NOBOUT / MAXPPP)

"Que les buralistes arrêtent de vendre des cigarettes aux moins de 18 ans et ils seraient plus crédibles", a lancé ce mardi 28 novembre sur franceinfo Bertrand Dautzenberg, tabacologue, pneumologue et président de l’association "Paris sans tabac" alors que le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau a dévoilé le plan national anti-tabac. Parmi les mesures annoncées, l'augmentation du prix du paquet de cigarettes : il passera à 12 euros en 2025, puis à 13 euros en 2026. Mais une première hausse des prix du tabac, entre 40 et 50 centimes calqués sur l'inflation, devrait intervenir dès le 1er janvier, selon des estimations de la Confédération des buralistes. Ces derniers voient d'un mauvais oeil ces augmentations : "Les buralistes râlent parce que quand ils râlent bien, ils ont plus de subventions pour maintenir leur commerce", a ironisé le tabacologue. Mais pour lui cette hausse du prix "n'est pas une mesure santé", mais "une mesure économique pour soutenir les buralistes et soutenir la filière de l'industrie du tabac". Selon lui, "il faut une augmentation supérieure à 5 % pour que ce soit efficace".

Franceinfo : L'augmentation du prix du tabac, c'est l'arme la plus efficace pour lutter contre le tabac ?

Bertrand Dautzenberg : Quand c'est une vraie augmentation, c'est l'arme la plus efficace. Quand on a une augmentation de moins de 5 %, c'est une décision industrielle pour augmenter les bénéfices des buralistes, pour augmenter les bénéfices des cigarettiers et pour assurer les recettes de l'État. Mais ça n'a aucun effet de santé publique. Nicolas Sarkozy l'avait fait à cinq reprises pendant son quinquennat. On a vu que ça ne faisait rien du tout. Il faut une augmentation supérieure à 5 % pour que ce soit efficace. Cette mesure annoncée par le ministre de la Santé n'est pas une mesure santé, c'est une mesure économique pour soutenir les buralistes et soutenir la filière de l'industrie du tabac.

Pourtant, les buralistes ne sont pas contents...

Les buralistes râlent parce que quand ils râlent bien, ils ont plus de subventions pour maintenir leur commerce. Je suis tout à fait content que les buralistes se diversifient, mais il faudrait aussi que les buralistes arrêtent de vendre des cigarettes aux moins de dix-huit ans et ils seraient comme ça plus crédibles.

Le plan du gouvernement prévoit également l'extension des espaces sans tabac aux plages, parcs et abords de lieux publics. Vous saluez cette initiative ?

Il y a une vraie accélération qui est une volonté des pouvoirs publics, mais aussi de la population. On voit que les plages non-fumeurs ont de plus en plus de succès et que les sorties d'école non-fumeurs sont nécessaires. Vous allez dans la plupart des pays développés, on ne fume plus au pied des bâtiments. Quand on fume juste au pied des bâtiments, tous les voisins sont enfumés par les fenêtres qui donnent sur le rez-de-chaussée. Donc il faudra aller plus loin pour fumer. Ça aide les fumeurs à fumer moins. La plupart des fumeurs qui fument au travail, s'il pleut par exemple, ne vont pas à la pause cigarette. Si c'est plus loin, j'espère qu'il y aura des fumeurs qui vont moins fumer.

C'est aussi pour protéger les non-fumeurs ?

Ça protège les fumeurs d'abord, qui sont les premières victimes du tabagisme passif. Fumer quand tout le monde fume autour de vous, vous prenez plus de fumée que quand vous fumez tout seul dans votre coin. Deuxièmement, ça protège éventuellement les non-fumeurs, mais aussi ça change la norme sociale. Par exemple, quand Xavier Bertrand avait pris la décision d'interdire de fumer dans les bars et restaurants, tout le monde avait dit : "C'était impossible, c'est la catastrophe", qu'"il n'y aurait plus personne dans les restaurants". En fait, les chiffres d'affaires des restaurants se sont plutôt améliorés. Il y a moins de gens en deuxième partie de nuit qui restent à table, mais globalement, il y a beaucoup plus d'enfants et de gens qui vont bénéficier des restaurants.

Les villes françaises seront non-fumeur dans le futur ?

Dans 20 ou 30 ans, on ne fume plus. On trouvera très très bizarre qu'on ait fumé si longtemps en France. Quand j'étais étudiant en médecine, on fumait tous dans l'amphithéâtre. Le professeur fumait à la tribune. Ça paraît tellement incongru. On fumait au cinéma, dans les avions. On se fait très bien à une vie saine. Ce n’est pas une privation, c'est une liberté de ne pas fumer. La liberté de fumer n'existe pas. La plupart des cigarettes fumées sont fumées par des gens rendus esclaves du tabac, par l'inoculation de récepteurs nicotiniques par l'industrie du tabac qui vise les teenagers pour créer la dépendance tabagique.

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