Chlordécone : "Une avancée, mais nous sommes loin du compte", estime le maire de Pointe-à-Pitre après la reconnaissance du cancer comme maladie professionnelle
Dans un décret, le gouvernement reconnaît les cancers de la prostate liés au chlordécone comme maladie professionnelle. Invité de franceinfo, le maire de Pointe-à-Pitre Henri Durimel salue cette décision mais réclame une indemnisation plus large pour les habitants contaminés par le pesticide.
"Nous ne boudons pas notre plaisir", a salué mercredi 22 décembre sur franceinfo Harry Durimel, maire Rassemblement écologique et volontariste de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), après la publication d’un décret gouvernemental reconnaissant les cancers de la prostate liés au pesticide chlordécone comme maladie professionnelle. Le maire de Pointe-à-Pitre appelle cependant à "aller plus loin" car "ce ne sont pas uniquement ceux qui travaillaient dans la banane qui sont contaminés". Il annonce qu’il va saisir la justice pour élargir le champ d’application de ce décret.
franceino : Vous aviez déclaré que le scandale du chlordécone est un crime qui ne peut rester impuni et que la France doit prendre des mesures. Est-ce que la publication de ce décret calme un peu votre colère ?
Harry Durimel : Oui, nous ne pouvons pas non plus bouder nos avancées parce que effectivement, ça fait près de vingt ans que nous nous battons pour faire reconnaître l'impact de cet empoisonnement non seulement sur les sols, mais aussi sur nous-mêmes. Pour nous, c'est une avancée et c'est une avancée qui serait peut-être de nature à nous consoler de la réquisition du procureur de la République prise en faveur d'un non-lieu dans la plainte que nous avons déposée et nous considérons que c'est quand même une avancée et nous ne boudons pas notre plaisir.
Le gouvernement ne se risque pas à donner des estimations sur le nombre de personnes qui pourraient être indemnisées après la publication de ce décret. Vous qui êtes sur place, est-ce que vous avez une idée du nombre ?
Ce décret est restrictif. Il pourrait même être considéré comme discriminatoire parce qu'il limite l'impact de cet empoisonnement au seul cadre professionnel, or nous savons aujourd'hui qu'en Guadeloupe et en Martinique, plus de 90% des résidents, des habitants sont contaminés. En proposant d’indemniser uniquement ceux qui par leur activité professionnelle ont contracté un cancer de la prostate, le compte n'y est toujours pas.
"Certes, c’est une avancée, mais effectivement, il y a une masse des Antillais aujourd'hui qui sont contaminés. Nous sommes loin du compte."
Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitreà franceinfo
Nous espérons, chemin faisant, maintenant que le lien de causalité entre nos cancers de la prostate et le chlordécone est implicitement reconnu, qu'on finira par comprendre que ce ne sont pas uniquement ceux qui travaillaient dans la banane qui sont contaminés. Je lui demande [au gouvernement] de tenir sa parole et d'aller jusqu'au bout puisque pour l’instant, nous n’y sommes pas.
Vous évoquez donc un décret qui pourrait être discriminatoire. Est-ce que vous avez l'intention de saisir la justice pour en étendre les effets ?
Absolument. Nous allons aussi demander aux juges de lever le secret sur la masse de documents collectés et toutes les informations glanées au cours de ces vingt années de combat et qui sont dans le dossier judiciaire. Nous allons demander la possibilité de nous en servir pour demander réparation. Je pense que ce n'est pas à l'échelle individuelle que la Guadeloupe devrait demander réparation. Ce sont les régions de Guadeloupe et de Martinique qui doivent demander qu'un plan soit mis en œuvre pour pouvoir non seulement indemniser, mais prévenir aussi. Car comme vous le savez, c’est par le cordon ombilical que les enfants sont contaminés dans le ventre de leur mère. Aujourd'hui, si nous voulons éviter que le nouvel homme antillais soit chlordéconé, il va falloir qu'on puisse mettre à l'abri des couples qui veulent enfanter pour que les enfants à naître soient protégés.
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