Décharges sauvages : l’Association des maires de France propose la création d’un délit de trafic de déchet
Agnès Le Brun, maire de Morlaix et vice-présidente de l'AMF, estime qu'avec un délit, les sanctions seraient "plus rapides, plus fortes et donc plus efficaces".
"La qualification du délit permettrait une sanction plus rapide, plus forte et donc plus efficace et plus pédagogique", a déclaré jeudi 8 août sur franceinfo Agnès Le Brun, maire de Morlaix et vice-présidente de l'Association des maires de France (AMF). Cette proposition survient après la mort du maire de Signes (Var) lundi. Il a été renversé par un fourgon alors qu'il empêchait deux employés d'une entreprise de travaux publics de déverser des gravats sur un terrain privé.
franceinfo : L'AMF fait une proposition pour aider les maires à agir contre les dépôts sauvages ?
Agnès Le Brun : Oui, parce qu'effectivement notre collègue est décédé dans l'exercice de ses fonctions, il exerçait son pouvoir de police. Il n'aurait rien fait, le préfet aurait pu le lui reprocher. Nous sommes des officiers de police judiciaire, nous avons autorité pour verbaliser et dresser des procès-verbaux, c'est ce que faisait notre collègue. Mais derrière cela, il y a ce trafic de déchet. On a entre 80 000 et 100 000 tonnes par an de déchets sauvages de toute nature. C'est-à-dire que ça peut être des déchets qui peuvent être déposés par des particuliers qui ne veulent pas s'embarrasser. Mais c'est aussi du trafic d'entreprise.
Vous proposez donc de créer dans le code pénal un délit de trafic de déchets ?
Oui, parce que nous observons, dans tous les sujets d'ailleurs, que lorsqu'on tape dans le portefeuille, l'efficacité est au rendez-vous. Nous demandons d'augmenter les pouvoirs de sanction des maires, en créant véritablement un délit de trafic de déchets. On mettrait en face du contrevenant une sanction beaucoup plus lourde, et surtout immédiate. Aujourd'hui pour les trafics de déchets, si on trouve des contrevenants on peut les verbaliser. Pour ce qui est des entreprises, il y a un certain nombre d'endroits où les maires ont installé des caméras ou des photos de façon à pouvoir identifier les gens. Mais c'est très compliqué. Lorsque nous faisons le constat, nous transmettons aussi au procureur. Mais bien souvent c'est classé sans suite. Or là, la qualification du délit permettrait une sanction plus rapide, plus forte et donc plus efficace et plus pédagogique.
Le secteur du bâtiment est pointé du doigt depuis le drame. La fédération du bâtiment répond qu'il faudrait faire le lien avec le travail au noir, car ceux qui travaillent sans être en règles ne peuvent pas aller en déchetterie sous peine d'être repérés et pratiquent donc le dépôt sauvage. Le problème est-il donc plus complexe ?
Le problème est beaucoup plus complexe et il ne s'agirait pas de faire un procès très rapide et très clivant vis-à-vis des artisans et entreprises du bâtiment. On sait qu'il y a beaucoup de déchets liés aux entreprises de bâtiment mais là aussi, il y a un éventail très large. Il y a la très grosse entreprise et il y a le petit artisan, à qui on va refuser de prendre en déchetterie trois seaux de gravats parce que c'est forfaitisé à la tonne par exemple.
Dans ma commune, des artisans nous disent qu'ils n'ont pas de quoi stocker une tonne de gravats, ni de quoi la transporter. Il y a des départements où c'est vraiment à grande échelle, on a des zones de non-droit qui sont remplies de déchets, soit parce les gens travaillent au noir, soit parce que les gens ne sont pas en règle ou parce qu'ils sous-traitent. Dans tous les cas, la sanction doit être au rendez-vous, parce qu'elle permettra de rendre de la justice. Ce sera toujours au bénéfice de ceux qui sont en conformité avec les règles.
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