Des scientifiques pointent la présence de plastique dans l'eau en bouteille : faut-il boire les paroles de cette étude ?
Des chercheurs américains ont trouvé du plastique dans 93% des échantillons de plusieurs grandes marques. Franceinfo fait le point sur cette étude (qui n'a pas été validée par des pairs) et sur les dangers du plastique pour la santé humaine.
Des conclusions qui restent en travers de la gorge. Une étude portant sur plus de 250 bouteilles de grandes marques comme Evian, Nestlé ou San Pellegrino publiée mercredi 14 mars sur la plateforme médiatique Orb Média (en anglais) révèle la présence de plastique dans l'eau minérale. Les analyses ont été effectuées dans neufs pays – dont les Etats-Unis, l'Inde ou le Liban – sous la conduite de l'université de l'Etat de New York à Fredonia. Parmi ces minuscules particules de plastique, du polypropylène, du nylon et du polytéréphtalate d’éthylène (PET) ont été retrouvés dans 93% des échantillons. Franceinfo fait le point sur ce que dit précisément l'étude et ce qu'il faut en retenir.
Que révèle cette étude ?
Sherri Mason, chercheuse spécialiste de la pollution induite par le plastique dans les écosystèmes d'eau douce à l'université de l'Etat de New York, s'est penchée sur la quantité de particules de plastique présentes dans l'eau en bouteille. Ces recherches, bien que scientifiques, n'ont toutefois pas été publiées, car elles n'ont pas été relues par des pairs. Mais l'expérience suit une méthode précise, mise en place par une l'équipe de chercheurs qu'elle dirige. Ces derniers ont collecté des échantillons d'eau minérale de 11 marques sur cinq continents dans des pays où la consommation d'eau en bouteille est particulièrement importante comme la Chine, les Etats-Unis, l'Inde ou encore le Brésil.
L'objectif ? Evaluer la quantité de plastique présent dans les bouteilles d'eau plastifiées. La très grande majorité des échantillons testés (93%) contient des microparticules de plastique. Le leader mondial de l'eau minérale, Nestlé Pure Life, affiche un taux particulièrement haut puisque son eau peut contenir jusqu'à 930 microparticules de plastique par litre, contre 30 pour San Pellegrino, qui affiche l'un des taux les plus bas. Une précédente étude menée par la même équipe avait montré que des particules de plastique étaient également présentes, en deux fois moins grande quantité, dans l'eau du robinet.
Ce plastique vient-il des bouteilles ?
Pas si vite. Si cette hypothèse semble la plus évidente, l'expérience n'en fournit pas la preuve et les scientifiques restent prudents sur les conclusions à tirer. Car le plastique est présent partout dans notre environnement et il est difficile de savoir si ces microparticules retrouvées dans l'eau proviennent des bouteilles ou si elles ont été accumulées ailleurs.
"La production de fibres synthétiques ne cesse de progresser", explique à franceinfo Johnny Gasperi, chercheur au Laboratoire eaux environnements et systèmes urbains (Leesu), spécialiste des microplastiques. "Ces textiles pétrochimiques contiennent une grande quantité de plastique. On en trouve dans nos habits synthétiques bien sûr mais aussi dans nos canapés, nos rideaux, nos moquettes..."
Interrogé par franceinfo, Bruno Tassin, lui aussi chercheur au Leesu, va plus loin et affirme que l'on ingère quotidiennement des fibres plastiques : "On en trouve dans le miel, le sel, le sucre, l’eau et la bière. Et elles tombent quotidiennement dans nos assiettes !"
Ces fibres arrivent sans doute dans l’eau au moment de la mise en bouteille. Donc on ne peut pas directement accuser les bouteilles en plastique de déverser des microparticules.
Johnny Gasperi, chercheur au Leesu
Sherri Mason semble plus partagée : "Je pense que la plupart du plastique vient de la bouteille elle-même, de son bouchon, du processus industriel d'embouteillage." Pour vérifier ces hypothèses, il faudra réaliser d'autres expériences, plus précises encore. Car les chercheurs ne connaissent pas encore précisément les effets du plastique sur les organismes vivants...
Est-ce dangereux d'ingérer du plastique ?
Aucune étude jusqu'ici n'a permis de démontrer que les fibres plastiques avaient un effet néfaste sur l'homme. Pas de quoi rassurer Barbara Demeneix, biologiste et chercheuse au CNRS et au Museum d'Histoire naturelle. "Que l’on prouve ou pas la dangerosité sur le corps humain, la qualité de l’eau est remise en cause et ce n'est jamais une bonne nouvelle, surtout quand on sait que certains plastifiants sont des perturbateurs endocriniens", pointe-t-elle.
Bruno Tassin appelle, lui, à la prudence sur ce sujet. Le scientifique fait le point sur l'étendue des connaisances scientifiques actuelles : "Dans tous les êtres vivants, on trouve du plastique dans le tube digestif, explique-t-il. Mais certains disent que ça pourrait aller dans d’autres endroits du corps.Si on en accumule trop, on peut supposer que ça se combine avec d'autres contaminants, que ça affaiblit l'organisme et accroît les risques de développement de certaines maladies".
La thématique de la contamination de l’eau par les plastiques est brûlante mais il y a peu de temps qu'on s'y intéresse.
Bruno Tassin, chercheur au Leesuà franceinfo
Quid des êtres vivants qui se retrouvent dans nos assiettes et qui absorbent également des fibres plastiques ? A ce sujet, Johnny Gasperi est plutôt optimiste : "95% des études montrent que les poissons qui ingèrent ces fibres, les éjectent par leur tube digestif : elles ne sont pas transférées dans leurs organes et donc vers leurs chairs, susceptibles d’être consommées par l’homme. Il faudra tout de même poursuivre les études sur ce sujet majeur."
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