Le bisphénol S, plus dangereux que le bisphénol A qu'il remplace ?
Le bisphénol S serait-il pire que le bisphénol A ? Il semblerait que oui...
Le bisphénol A (BPA) interdit depuis 2011 dans les biberons, et depuis 2015 dans les contenants alimentaires, avait été remplacé par les industriels par un autre bisphénol, le bisphénol S.
Or, chez l’animal, le bisphénol S persisterait plus longtemps dans l’organisme et à des concentrations beaucoup plus élevées que le bisphénol A. Tels sont les résultats d'une étude publiée le 17 juillet 2019 dans Environmental Health Perspectives par des chercheurs de l’Ecole Vétérinaire de Toulouse, du laboratoire Toxalim en collaboration avec les universités de Montréal et de Londres.
« On a été très surpris par nos résultats, confie Véronique Gayrard coauteur de l’étude, on ne s’attendait pas à ce que le bisphénol S, très proche du bisphénol A donne des résultats aussi différents ».
Des concentrations 250 fois supérieures
« On a évalué deux critères : la biodisponibilité orale et la vitesse d’élimination du bisphénol dans l’organisme " , explique la chercheuse. « La biodisponibilité orale correspond à la fraction de la quantité ingérée qui atteint la circulation générale. Dans le cas du bisphénol, chez le porcelet, 57% du bisphénol S atteint la circulation (le reste étant filtré par le foie) alors que pour le bisphénol A, ce taux est de 0,5%. Concernant la vitesse d’élimination de la substance par l’organisme, le bisphénol S s’élimine 3 à 4 fois plus lentement. Résultat : si on combine les deux critères, à absorption égale, les concentrations de bisphénol S dans le sang sont environ 250 fois supérieures à celles du bisphénol A ».
Le bisphénol S bientôt interdit ?
« Étant donné que les voies digestives des porcs et des humains sont similaires, nos résultats suggèrent que le remplacement du bisphénol A par le bisphénol S entraînera probablement une exposition interne accrue à un composé endocrinien qui serait préoccupant pour la santé humaine » conclut l’étude.
Quelles alternatives au bisphénol ?
En amont des travaux de l'équipe de Toulouse, d'autres chercheurs avaient démontré la dangerosité de cette substance.
« C’est aux autorités sanitaires ensuite d’évaluer le risque, résultant de l’exposition et du danger, et de prendre si besoin des mesures, explique Véronique Gayrard. Nous, on alerte aujourd’hui pour dire qu’il faut faire des études avant de proposer de nouveaux substituts : après l’interdiction du bisphénol A, on a remplacé une substance dangereuse par une autre substance dangereuse » conclut la chercheuse.
Le BPA, un perturbateur endocrinien
Le bisphénol A est une substance chimique de synthèse qui a été très fréquemment utilisée pendant de nombreuses années dans les biberons, la vaisselle, les canettes, les boîtes de conserve etc. Cette substance a été interdite en France en 2011 dans les biberons et en 2015 dans les contenants alimentaires (biberons, bouteilles, conserves…) car il a été démontré que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien.
Le bisphénol A, comme tous les « perturbateurs endocriniens », altère les fonctions métaboliques, reproductives et les fonctions du système nerveux de l’organisme. Il affecte donc notamment la fertilité et le développement de l’enfant à naître.
Le bisphénol A est classé « substance extrêmement préoccupante » depuis juin 2017 par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Les bisphénols constituent une famille de produits chimiques organiques de synthèse qui sont très majoritairement employés pour la fabrication de plastiques de type polycarbonates ainsi que pour la fabrication de certaines résines époxy (notamment utilisées dans les cannettes et boîtes de conserve), ou encore en tant que révélateurs pour la majorité des papiers thermiques (les tickets de caisse par exemple).
Il existe plus de vingt bisphénols, parmi lesquels les bisphénols A et S sont les plus utilisés.
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