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"Mon épileptologue m'a assuré que les troubles de mon fils n'avaient aucun rapport avec la Dépakine"

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Victoria et Kélyan à Disneyland Paris (Seine-Saint-Denis), le 14 juin 2015. (DR)

Alors qu'une étude présentée ce mercredi révèle l'ampleur du scandale autour de cet antiépileptique, une mère qui en a pris au cours de la grossesse de son premier enfant témoigne pour france info.

Le risque était connu mais il n'a pas été communiqué aux femmes enceintes pendant des années. Une étude réalisée par les autorités sanitaires, présentée mercredi 24 août, révèle que 14 322 femmes enceintes ont été "exposées" au valproate de sodium, la substance active de l'antiépileptique Dépakine, entre 2007 et 2014. Les graves risques pour la santé du fœtus liés à la prise de ce médicament sont pourtant connus depuis 2006. 

Si l'étude montre que l'exposition des femmes enceintes a nettement diminué entre 2007 et 2014, elle ne précise pas le nombre d'enfants atteints par des troubles. Les médicaments à base de valproate de sodium sont associés à un risque élevé - de l'ordre de 10% - de malformations congénitales mais aussi de cas d'autisme et de retards intellectuels et moteurs, pouvant atteindre jusqu'à 40% des enfants exposés.

Victoria Bouet, une mère de 32 ans qui habite Carpentras (Vaucluse) a pris un comprimé de Dépakine par jour pendant sa grossesse, en 2007. Elle témoigne pour france info.

France info : Depuis quand prenez-vous de la Dépakine ? 

Victoria Bouet : Depuis l'âge de 8 ans. A 19 ans, j'ai tenté le Lamictal, un autre antiépileptique, mais je suis passée de deux ou trois crises par an à sept crises par mois. Je suis donc retournée à la Dépakine jusqu'en 2004. Puis on m'a prescrit du Keppra mais j'ai perdu 20 kilos en deux mois ! Un épileptologue de Montpellier m'a donc repassée sous Dépakine et Lamictal et je n'ai plus eu de crise depuis 2005.

Cet épileptologue vous avait-il informée des risques de la Dépakine en cas de grossesse ? 

Pas du tout. En 2006, j'ai fait une fausse couche à deux mois de grossesse. Aucun médecin n'a fait de lien avec mon traitement, alors qu'il peut s'agir d'un des effets secondaires. En 2007, je suis retombée enceinte. Mon épileptologue m'a dit d'arrêter le Lamictal mais de continuer la Dépakine. Il a baissé la dose le temps de l'embryogenèse. Jusqu'à quatre mois, j'ai pris 250 mg par jour. Puis je suis repassée à 500 mg par jour, soit un comprimé, à partir de six mois de grossesse.

Comment se porte votre enfant ? 

Kélyan était en bonne santé quand il est né, un beau bébé de 3,5 kg. Puis à 2 ans, il s'est mis à faire des crises de colère. Il ne se mélangeait pas avec les autres enfants, il restait à l'écart, il ne me faisait pas de câlin. A l'âge de 3 ans, cela a empiré. J'ai cherché des réponses, j'ai fait tous les services de l'hôpital d'Avignon. Tous les soirs, j'avais la boule au ventre en allant le chercher à la maternelle. "Kélyan a fait ci, il a fait ça, il s'est évadé..."

Quand avez-vous fait le lien entre ses troubles et la prise de la Dépakine ? 

En juin 2015, quand le scandale a éclaté. Ma mère a vu un reportage sur BFMTV et m'a alertée. J'avais justement rendez-vous avec mon épileptologue mais il m'a assuré que cela n'avait aucun rapport, qu'on faisait beaucoup de bruit pour rien. J'ai décidé de changer et d'aller consulter un autre médecin à Marseille. Et là, le diagnostic est tombé. Il m'a dit que mon fils souffrait de troubles du spectre autistique qui pouvaient être liés à la Dépakine. Beaucoup de choses se sont éclairées.

Comment va votre petit garçon aujourd'hui ? 

Il a fait des progrès énormes, c'est le jour et la nuit depuis qu'il est suivi dans un centre médico-psychologique infantile. Il est scolarisé à temps partiel, avec une auxiliaire de vie scolaire, et il n'a pas de retard. A 8 ans, il va faire sa rentrée en CE2. Mais il reste un petit garçon hyperémotif, avec des difficultés psychomotrices et de concentration. Malgré tout, je me dis que j'ai eu beaucoup de chance vu la dose de Dépakine que j'ai prise pendant ma grossesse. Il aurait pu souffrir de malformations et de troubles beaucoup plus graves.

Vous êtes de nouveau enceinte de six mois. Avez-vous été correctement informée des risques cette fois-ci ? 

Oui. J'ai pris l'initiative d'"oublier" mon comprimé de Dépakine lorsque je me suis aperçue de ma nouvelle grossesse, trois semaines après être tombée enceinte début février. Dès que j'ai pu joindre mon épileptologue à Marseille, il m'a conseillé de prendre encore un demi-comprimé pendant une semaine puis d'arrêter. Je n'ai pas voulu en reprendre. J'étais même prête à ne plus suivre aucun traitement mais mon épilepsie est trop forte. Je suis donc sous Urbanyl et Lamictal. Mais j'ai toujours peur, même si ma grossesse est très suivie. Pour l'instant, la petite Théa se porte très bien et son frère attend sa petite sœur avec impatience. 

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