Infertilité : "Ça touche tout le monde, dans tous les pays", selon la journaliste Estelle Dautry
Selon la journaliste, "la première cause de l'infertilité, c'est l'âge", puisqu'on fait des enfants de plus en plus tard, mais elle évoque aussi le rôle des perturbateurs endocriniens.
L'infertilité "touche tout le monde dans tous les pays", réagit mardi 4 avril sur franceinfo, Estelle Dautry, journaliste, co-autrice de "Génération infertile ? : de la détresse au business, enquête sur un tabou" (éditions Autrement, 2022), alors que l'OMS (Organisation mondiale de la santé) révèle mardi qu'environ une personne sur six dans le monde souffre d'infertilité. Il s'agit d'un problème "sanitaire majeur" qui touche 17,8% des pays riches et 16,5% des pays plus pauvres. Il est donc urgent d'accroître l'accès à des soins abordables de qualité, selon l'OMS. "La première cause de l'infertilité, c'est l'âge", explique Estelle Dautry, mais également "le mode de vie" et "les perturbateurs endocriniens". "Il faut lever le tabou."
franceinfo. Selon l'OMS, "les personnes ayant un problème d'infertilité souffrent souvent d'anxiété et de dépression" et il existe aussi "un risque accru de violences conjugales qui est associé à l'infertilité", c'est documenté ?
Estelle Dautry. Ce qui est sûr, c'est que les couples se retrouvent souvent très isolés. Et toutes les situations où on est isolé, où on n'ose pas en parler, où on n'a aucune aide et aucun soutien psychologique sont des situations où il peut y avoir des violences. On n'a pas vraiment de données chiffrées mais ce qui est sûr c'est qu'il faut lever le tabou pour que les femmes puissent en parler, que les hommes puissent en parler, que les médecins soient de meilleurs accompagnants, qu'il y ait un suivi psychologique pour éviter ces violences. On n'est pas seuls. Il y a évidemment son médecin traitant en général et les sages-femmes qui font un très bon suivi gynécologique vers qui on peut se tourner. Et ensuite, il y a des associations de patients. Mais c'est vrai que passer le cap de contacter ou d'en parler à quelqu'un, c'est toujours difficile. En général, on commence à en parler quand ça fait déjà des mois qu'on est dans les échecs, qu'on n'arrive pas à avoir un enfant et qu'on est déjà en difficulté.
franceinfo. L'infertilité est-elle une question de pauvreté ou de milieu social ?
Cela touche tout le monde, sans aucun doute. Tout le monde, dans tous les pays. On est vraiment tous concernés. Dans les pays développés, on fait des enfants de plus en plus tard, donc on est confrontés de plus en plus à ces difficultés-là. Maintenant, en France, cela touche aussi bien des couples d'ouvriers que des couples de cadres supérieurs, dans les grandes villes comme à la campagne. La première cause de l'infertilité, c'est l'âge et c'est lié au fait qu'on se met à faire des enfants de plus en plus tard. Mais il n'y a pas du tout que l'âge. Il y a aussi tous les facteurs liés à notre mode de vie. C'est le tabac, l'alcool, le surpoids, la sédentarité. Tout cela joue à la fois sur les spermatozoïdes et sur la fertilité chez la femme. Et ensuite, il y a tout ce qui dépend de notre environnement. Ce sont les perturbateurs endocriniens qu'on va les retrouver partout : dans la peinture de notre appartement, dans les cosmétiques, dans notre alimentation. C'est pour cela que cela touche tout le monde.
C'est impossible d'y échapper. Quand on fait des tests sur les femmes enceintes et qu'on analyse un cheveu, les femmes enceintes françaises sont toutes concernées par cette pollution. Elles ont toutes 100% de contamination, alors que ce soit par des phtalates, le bisphénol avant, qu'importe le produit, tout le monde est contaminé. Les seuls qui y échappent, selon une étude américaine, c'est une population très précise. C'est une population religieuse qui vit dans un coin reculé, qui cultive ses légumes et qui a globalement très peu de contacts avec le reste de la société. Pour que cela change, il faudrait réellement qu'il y ait un changement dans la société, un changement dans l'environnement et dans le mode de vie de tout le monde. Donc a priori, cela va empirer. Il y a des études américaines qui prévoient plutôt qu'en 2050, la majorité des couples auraient besoin de la PMA pour faire un enfant.
Il existe pourtant des difficultés d'accès à la PMA ou à la FIV ?
On a la chance en France d'avoir une prise en charge à 100% pour les couples infertiles, mais encore faut-il que vous ayez accès à l'hôpital public et que vous fassiez toute la procédure en public. Il y a quand même des inégalités. Il y a les déserts médicaux. Cela concerne aussi la gynécologie et la PMA. Si vous êtes dans une région où vous n'avez pas de médecin traitant par exemple, vous avez encore moins de chances d'accéder à un gynécologue et un service de PMA. Mais même si vous êtes en ville, il y a des villes moyennes dans lequel il n'y a pas de service de PMA public, uniquement une clinique privée. Donc cela va quand même vous coûter de l'argent.
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