Epidémie de bronchiolite : "Nous sommes très inquiets pour les semaines à venir", alertent les services d'urgences pédiatriques
Arrivés plus tôt dans la saison, les virus hivernaux, dont la bronchiolite, font craindre une saturation des services pédiatriques partout en France.
Plus précoce, plus rapide et plus sévère. Voilà les traits de l'épidémie de bronchiolite qui touche la France moins de deux mois après la rentrée de septembre, selon le tableau dressé par les professionnels de santé interrogés par franceinfo. "En général, le pic épidémique démarre mi-novembre et culmine à son sommet entre Noël et le Nouvel An avant de décliner", expose le docteur Sébastien Kiefer, pneumopédiatre au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et au centre hospitalier régional de Metz, dans la région Grand-Est.
A la mi-octobre, période à laquelle l'épidémie débute d'habitude, le virus respiratoire de la bronchiolite a déjà fait basculer onze régions de l'Hexagone en phase épidémique, selon le dernier bulletin hebdomadaire sur cette maladie de Santé publique France, publié le 20 octobre. La situation des services d'urgences pédiatriques, dont la fréquentation augmente semaine après semaine, inquiète le corps médical.
Une épidémie "très" précoce
"Le taux de consultation aux urgences est 30% supérieur à celui des autres années à la même date", calcule Sébastien Kiefer. "En termes d'effectifs de personnel aux urgences, cela devient compliqué, assure le pneumopédiatre. Nous sommes vraiment à la limite d'une prise en charge convenable pour le patient et sa famille." Même constat en Ile-de-France. Depuis trois semaines, l'activité a augmenté entre "15% et 20%" à l'hôpital Robert-Debré à Paris, estime le chef du service de réanimation pédiatrique, Stéphane Dauger.
A l'échelle nationale, depuis la fin du mois de septembre, les passages aux urgences pédiatriques et les hospitalisations qui ont suivi augmentent en moyenne de 30% par semaine, selon Santé publique France. Durant la semaine du 11 au 17 octobre, plus d'une hospitalisation pédiatrique sur quatre était due à la bronchiolite. Par ailleurs, sur les 799 enfants hospitalisés, 93% étaient âgés de moins de 1 an. Une "situation prévisible" sur laquelle alertait le Conseil national professionnel de pédiatrie depuis avril-mai.
"Une faible défense immunitaire"
Comment expliquer la précocité de cette vague, apparue dès la fin de l'été dans certains départements ? Le docteur Sébastien Kiefer avance l'hypothèse d'une "faible circulation du virus l'hiver dernier" et un "fort retour de la circulation des virus avec le déconfinement d'avril-mai" 2021.
Par ailleurs, "les plus petits, âgés d'un ou deux ans, n'ont jamais connu de virus et ont donc une faible défense immunitaire, poursuit le spécialiste. Ce qui explique leur plus grande fragilité face aux infections virales respiratoires cet automne." Une analyse partagée par le Conseil scientifique dans son dernier avis publié le 5 octobre ainsi que par le professeur Stéphane Dauger, également préoccupé par la situation.
"Nous sommes très inquiets pour les semaines et mois à venir, car l'accroissement de la courbe épidémique est plus accéléré que d'habitude."
Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique à l'hôpital Robert-Debréà franceinfo
Pour le chef de service, il va falloir "rapidement" réagir face à cet afflux prématuré de cas de bronchiolites. Car celui-ci "s'additionne à des difficultés existantes depuis plusieurs mois" soulève-t-il.
Un système pédiatrique "dégradé"
"Non seulement il y a d'autres virus qui circulent, comme les gastro-entérites et la grippe, mais il y a également des décompensations chez certains enfants, d'autres qui souffrent de maladies chroniques et qui doivent être pris en charge ou suivis dans les bons délais", remarque le professeur. Il redoute ainsi de prendre à nouveau "trois à quatre mois de retard" dans la prise en charge des malades, après "quasiment deux années à l'arrêt dues au Covid-19". "Contrairement à un adulte, faire attendre un enfant de 18 mois plus de six mois pour une IRM, c'est trop long et peut s'avérer dangereux pour sa santé", insiste Stéphane Dauger.
Pour l'heure, les services pédiatriques de l'hôpital Robert-Debré et des hôpitaux de Nancy et Metz absorbent encore toutes les entrées. Mais la tension en hospitalisation, faute de lits suffisants en sortie de réanimation, commence déjà à se faire sentir.
Les chirurgies pédiatriques non urgentes ont été décalées et l'hôpital de Nancy réfléchit à ouvrir dès à présent son unité bronchiolite, habituellement mise en place courant novembre. "Pour cela, il faut non seulement des lits, mais surtout du personnel qualifié. Ce qui nous manque, précise le docteur Sébastien Kiefer. Le personnel soignant est fatigué et cette épidémie arrive à un moment où nous n'étions pas forcément prêts."
Pas de renfort du secteur privé
"En trente ans d'expérience, c'est la première fois que nous nous retrouvons dans cet état-là, au pied du mur, s'alarme le professeur Stéphane Dauger. Et contrairement aux urgences adultes, en pédiatrie, nous ne pouvons pas nous appuyer sur le secteur privé, car il n'existe pas."
Dans la région Grand-Est, comme à Paris, le personnel pédiatrique espère éviter une priorisation des malades à l'entrée de l'hiver si l'épidémie ne se calme pas d'ici là. "Bien qu'elle ait commencé en avance, nous espérons qu'elle se terminera aussi plus tôt", présage Sébastien Kiefer.
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