Face au malaise des soignants, le gouvernement veut revoir le financement des hôpitaux
Le Dr Olivier Véran devra faire des propositions pour "corriger" les effets pervers de la tarification à l'activité. Il répond à nos questions.
- L'hôpital est-il aujourd’hui géré comme une entreprise ?
Dr O. Véran : "Je ne considère pas que l'hôpital public soit une entreprise. D'ailleurs, nous avons restauré dans la loi le service public hospitalier qui fait qu'un hôpital public peut à nouveau s'appeler un hôpital public.
"Mais avec les modifications des règles de financement, des règles de management et de bonne gestion ont été transposées à l'hôpital. Ces règles sont allées sans doute un peu trop loin. Elles peuvent transformer le sentiment, voire l’exercice des soins à l'hôpital de façon à ce que les gens se sentent dans un cercle tellement contraint qu’ils aient l’impression d’être dans une entreprise. Il faut donc faire extrêmement attention au glissement qui s'est opéré."
- Que vous disent les soignants que vous rencontrez au cours de votre mission ?
Dr O. Véran : "Ils nous racontent que les règles de financement qui ont permis de moderniser l'hôpital public sont une bonne réforme en soi. Mais ces règles sont allées beaucoup trop loin aujourd’hui. Les médecins ont tellement adopté le langage médico-économique qu'ils obéissent maintenant de plus en plus à une espèce de pilotage à coup d'indicateurs. Par exemple, la durée moyenne de séjour, le temps pendant lequel ils gardent le malade, le type de profils de leurs patients…
"Ces indicateurs n'encouragent pas vraiment à la coopération avec la médecine de ville, à la coopération entre différents hôpitaux dans un même territoire... Cela créé du stress dans les équipes. Elles ont l'impression de mal faire leur boulot quand elles reçoivent des indicateurs mensuels qui leur disent « attention, vous avez gardé vos malades trop longtemps ».
"Qu'est-ce qu'on fait alors ? Est-ce qu'il faut garder les patients moins longtemps ? Sur quelle base : médicale ou comptable ? Et, de plus en plus, on a des médecins, des soignants et même des directeurs qui nous disent que la base comptable a pris le pas sur la base médicale. Cela pose donc un problème."
- Et justement, ces transformations ont-elles des conséquences négatives pour le patient ?
Dr O. Véran : "L'éthique est toujours chevillée au corps des professionnels de santé, à l'hôpital comme en ville. Mais, de fait, lorsque sous êtes sous la pression du management, sous la pression d'indicateurs de résultat, vous passez un peu moins de temps avec les malades. Vous êtes parfois obligé de vous faire un peu violence pour faire sortir les malades trop vite.
"Les médecins nous expliquent aussi que les règles sont tellement complexes, que si vous les avez comprises, c'est qu'on vous les a mal expliquées ! Il y a des batteries et des armées entières de techniciens qui vont vous expliquer comment bien coder un acte. Finalement, le médecin a l'impression de passer plus de temps à coder des actes techniques qu'à rédiger un courrier destiné au médecin traitant. Alors que la priorité est évidemment la qualité des soins. Cette surcharge administrative pèse aussi sur les médecins de ville."
- Va-t-on revenir à l'enveloppe budgétaire pour chaque hôpital ?
Dr O. Véran : "Non. Le système d'avant, c'était : « on vous donne une année donnée ce que vous avez dépensé l'année d’avant ». Ce qui fait que les directeurs convoquaient parfois leurs chirurgiens au milieu du mois de novembre en disant « on a plus d’argent, arrêtez de poser des prothèses ». Ce n'était pas un bon système.
"La T2A, ou tarification à l’activité, signifie qu'on vous donne ce que vous avez dépensé en fonction de l'activité que vous avez générée. Ce système a du sens pour des activités très reproductives comme la chirurgie. Mais pas quand il s'agit des maladies chroniques, du développement des soins palliatifs, des soins d'urgence, de la gériatrie…
"Quand on est en train de parler de sortir du tout hôpital vers la médecin de ville, il faut penser des modes de financement plus intelligents, moins basés sur l'activé générée, et plus sur le service rendu par l’établissement. Quand on reconnaît qu'un établissement doit exister car il doit fournir des soins, on ne va pas le pénaliser car il a vu moins de malades. Il faut aussi trouver des modes de financement par des forfaits, financer des parcours de malade, notamment pour les maladies chroniques… La coopération avec la ville est aussi indispensable."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.