Postes vacants à l’APHP : patients en danger ?
Le 14 novembre, les soignants sont descendus dans la rue après sept mois de mobilisation dans toute la France. Pour la première fois, les cadres responsables de gérer leurs plannings s’engagent dans la grève. David* ne veut plus cautionner ce système défaillant :
« Les gens sont tellement pressurisés, on les fait finalement travailler au maximum, qu’à un moment on ne peut plus ! Et même pour l’encadrement, demander à des infirmiers qui sont déjà épuisés de travailler plus,… enfin je suis cadre-soignant et du coup, je me dis que je fais n’importe quoi ! Finalement, on a tous le sentiment d’être un peu un pion, qu’on met là… Il faut faire ci, il faut faire ça… Et on tient. Jusqu’au jour où on ne tient plus, on part, et puis on fait autre chose. »
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« J’ai tous les jours l’impression de frôler l’éthique médicale »
Dans les 40 établissements de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, 900 lits sont aujourd’hui fermés faute de soignants disponibles pour s’occuper des patients. Tous les services sont touchés, y compris la réanimation pédiatrique. Des enfants ont récemment été envoyés vers Amiens, Lille ou Rouen ces derniers jours, faute de pouvoir les accueillir dans la capitale.
Les soignants doivent se soumettre à des arbitrages difficiles pour des très jeunes patients atteints de maladies graves. « La mise en danger elle est clairement liée à la pénurie de personnel soignant qui amène à une fermeture de lits, donc à des possibilités d’hospitalisation qui se réduisent », explique le Pr Isabelle Desguerre, Neuropédiatre, Hôpital Necker – Enfants Malades, AP-HP (75). « J’ai tous les jours l’impression de frôler l’éthique médicale en prenant des risques qui ne sont pas justifiés vis-à-vis de ces enfants parce que je ne peux pas leur offrir les meilleurs soins dans les bonnes conditions. »
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Des conditions de vie précaires
Cette dégradation des conditions de soins conduit même certains médecins à quitter l’hôpital public. Des spécialités particulièrement touchées comme les anesthésistes. À l’hôpital Henri Mondor-APHP de Créteil (94), 47% des infirmiers anesthésistes ont quitté l’établissement, selon le Syndicat Sud Santé Mondor.
Eric Tricot, infirmier anesthésiste témoigne : « Si vous prenez la période septembre-octobre-novembre 2019 à Mondor, pour faire face au manque de médecins anesthésistes-réanimateurs, il a fallu déprogrammer 350 patients… Du jour au lendemain on les a appelé en leur disant « on ne peut pas vous opérer parce qu’il n’y a pas de médecin anesthésiste ».
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Beaucoup d'opérations annulées
Ces annulations sont d’autant plus fréquentes que l’hôpital public ne peut pas refuser les urgences. Les équipes réduites sont alors insuffisantes pour réaliser les opérations programmées depuis longtemps.
« Quand on décide de la date d’une intervention avec un malade c’est un engagement de part et d’autre : le malade s’engage à venir et nous on s’engage à l’opérer. Et donc supprimer ce moment là même pour un jour, pour une semaine ou pour un mois, c’est un jour, une semaine, un mois de souffrance supplémentaire pour les patients », explique le Pr Rémy-Simon Nizard, chirurgien orthopédiste, Hôpital Lariboisière. « Pour les soignants aussi c’est difficile parce que quand vous avez l’impression de faire un « mauvais travail », que ça ne correspond plus à vos valeurs. C’est affreux c’est très difficile à vivre aussi. »
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Augmentations, primes... quelles solutions ?
L’état d’urgence concerne presque toutes les professions. Les directions d’hôpitaux n’arrivent pas à recruter avec les grilles de salaires imposées dans la fonction publique.
« Ce qui est plus compliqué aujourd’hui c’est qu’il y a dans certaines disciplines des écarts de rémunération qui sont devenus très élevés entre choisir de rester à l’hôpital ou quitter l’hôpital et parfois des écarts de conditions de travail, de contraintes par exemple de gardes, d’astreintes… », concède François Crémieux, Directeur général adjoint, APHP.
« C’est vrai qu’il faut qu’on fasse attention à garder un certain équilibre. Cela peut être des primes particulières quand on rentre et qu’on choisit le service public, quand on rentre à l’hôpital. Cela peut aussi être des primes autour de la question du logement. Il faut que ceux qui choisissent l’hôpital n’aient pas l’impression qu’ils ont choisi pour une carrière entière les conditions de travail les plus difficiles, les contraintes les plus importantes, les gardes les plus nombreuses… », ajoute-t-il.
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La situation est particulièrement grave en Ile-de-France où le coût des loyers a augmenté en moyenne de 20% ces dix dernières années.
Eric Tricot s’agace : « Il y a des personnels qui dorment dans leur voiture parce qu’ils n’arrivent pas à se loger en Ile-de-France ! Ce sont des petits salaires. Quand vous sortez au bout de 3 ans d’école à 1500 euros… Où on va?! » L’importance de la mobilisation du mois novembre est inédite. Plusieurs établissements approchent les 100% de grévistes aujourd’hui.
*Son prénom a été modifié
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