Temps de travail à l’hôpital : les internes sous pression
Repos de sécurité, semaines de 48h : c’est ce que prévoit, entre autres, la réglementation pour "ménager" les internes de médecine. Mais dans les faits, les futurs médecins sont bien loin du compte. En 2013, la Commission européenne avait épinglé la France où les internes enchaînent les semaines de plus de 60 heures. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait alors clamé que ceux-ci ne devaient plus être "corvéables à merci".
Officiellement, depuis le 1er mai 2015, l’emploi du temps des internes est ainsi passé de 11 demi-journées de travail par semaine, en moyenne par trimestre, à 10, dont 8 à l’hôpital (contre 9 auparavant).
Malgré cela, un an après son entrée en vigueur, ce décret peine à s’appliquer dans les hôpitaux. Un constat peu surprenant, à l’heure où les futurs médecins militent pour le respect de leur "repos de sécurité", obligatoire depuis 14 ans après une garde de nuit. Instaurée en 2002, cette mesure visait à empêcher qu’un interne ne travaille plus de 24 heures d’affilée.
Des mesures qui peinent à être mises en œuvre
En février 2016, le suicide de Maxime, un jeune interne de 27 ans formé à Marseille, avait créé l’émoi dans la communauté médicale, et posé la question des conditions de travail des médecins en devenir.
Selon le Pr. Noël Garabedian, président de la CME (sorte de parlement des médecins) de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, "la réforme [de 2015] n’est pas simple à mettre en route." L’année dernière, la Fédération hospitalière de France (FHF) avait d’ailleurs « anticipé » ces difficultés, appelant à un report de la mesure, rappelle son directeur, David Gruson, qui prévoit un point d’étape dans les prochaines semaines.
Thierry Godeau, à la tête de la conférence nationale des présidents de CME, souligne cependant que la situation est "variable d’une établissement à l’autre". "A nombre d’internes constant, la mesure peut entrainer une déstabilisation des services", explique-t-il. Pour lui, il s’agit surtout de trouver l’équilibre entre " un temps de travail correct" et la nécessité pour les internes de se former le plus possible sur le terrain. Au point que les principaux concernés ne plébiscitent pas tous l’application stricte de la réforme.
Alors que celle-ci prévoit que, parmi les 10 demi-journées de travail, une demi-journée soit consacrée à leur formation à la faculté et une autre à un "temps personnel" pour "consolider et compléter ses compétences", notamment la rédaction de la thèse, il arrive que l’interne "ne prenne pas" ces créneaux, déplore le président du Syndicat d’internes en médecine générale (Isnar-IMG), Yves-Marie Vincent, ou bien que les demi-journées ne soient pas " bien inscrites sur les tableaux de service", obligatoires.
Certains chefs inviteraient même leurs recrues à "mentir", comme le dénonçait récemment l’une d’elles sur Twitter. "Tout le monde ment, moi le premier", assure le président du principal syndicat d’internes, l’Isni (toute spécialité), Baptiste Boukebous, les internes souhaitant rester auprès des patients.
Lutter contre l’épuisement professionnel
Dans une lettre publiée par le Quotidien du Médecin, la mère de Maxime, elle-même médecin, a également réclamé une évolution des conditions de travail des internes pour préserver de "l’épuisement professionnel."
Le ministère de la Santé, quant à lui, assure que la future réforme du 3e cycle des études médicales permettra d'adapter la formation des internes. Par ailleurs, une circulaire sera prochainement publiée pour "réaffirmer la fermeté" de Marisol Touraine quant à "l'impossibilité" de déroger à la règle, la sécurité des soignants comme des patients étant en jeu. Selon un récent arrêté de la ministre, les établissements fautifs risquent de perdre leur droit à recevoir des stagiaires.
De son côté, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, qui se dit confrontée, "comme tous les autres CHU (...) à une difficulté de mise en place systématique des repos de garde", s’est engagée à les appliquer partout avec les nouveaux internes, attendus le 2 mai et à déployer "un plan d'action".
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