: Info franceinfo L'assurance-maladie va déconventionner tous les centres de santé Alliance Vision pour une fraude estimée à plus de 20 millions d'euros
L'assurance-maladie a décidé de frapper fort. Elle s'apprête à déconventionner les 13 établissements du groupe Alliance Vision, implantés dans 9 régions (Ile-de-France, PACA, Normandie, Hauts-de-France, Pays-de-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Centre Val de Loire, Grand-Est, Bretagne), répartis sur tout le territoire français, révèle vendredi 31 juillet franceinfo. Cette chaîne privée, qui propose à la fois des soins ophtalmiques et dentaires, est soupçonnée d'avoir mis en place un système de fraudes à l'assurance-maladie, pour une somme estimée à plus de 20 millions d'euros.
Ces centres facturaient à la Sécurité sociale des actes que ses médecins n'avaient jamais réalisés ou qui étaient totalement injustifiés. C'est le cas par exemple des examens d'imagerie optique ou de la rétinographie pour détecter des glaucomes, des dégénérescences de la rétine, des maladies qui affectent surtout des personnes âgées. Or, selon les informations de franceinfo ces examens ont été réalisés ou supposément réalisés régulièrement sur des enfants, parfois âgés de trois ans. Autre fraude concernant les soins dentaires, une prothèse pouvait être facturée à un patient deux fois pour la même dent.
La facture d'une consultation avec un praticien qu'il n'a "jamais vu"
Léo s'est par exemple rendu dans l'un de ces centres à Paris pour un contrôle annuel. À 22 ans, sans avoir de problème de vue, il explique avoir "senti l'arnaque pendant la consultation. Il y avait énormément de monde dans la salle d'attente pour des consultations qui duraient entre 5 et 10 minutes". Un rendez-vous est ensuite fixé avec un orthoptiste, il doit passer plusieurs examens : "je n'avais pas l'impression que c'était utile. J'ai 22 ans, en regardant sur internet, ça ne correspondait pas vraiment...".
La plupart du temps, les patients ne se rendaient pas compte de l'arnaque. Les soins étant pris en charge intégralement par la Sécurité sociale, ils ne déboursaient rien et, souvent, ne vérifiaient même pas les factures. Mais Léo, lui, a tiqué, au moment de recevoir la facture d'une consultation avec un ophtalmologue qu'il n'a "jamais vu. Le seul contact que j'ai eu avec lui c'est son tampon sur l'ordonnance". Le jeune homme tente alors d'en savoir un peu plus : "je vois sur la facture qu'il y en a pour 96 euros, et je cherche à comprendre avec la secrétaire. Sa seule réponse a été 'de toute façon vous n'avez rien à payer, c'est la Sécu qui va tout prendre en charge ou votre mutuelle. Vous, ça ne vous regarde pas ce qu'il s'est passé".
Comme Léo, plusieurs patients se sont pourtant rendu compte de l'arnaque. Certains ont alerté l'assurance-maladie, parfois prévenue aussi par les salariés des établissements mis en cause, qui ont dénoncé leur employeur.
27 plaintes déposées
L'assurance-maladie a porté plainte auprès de la justice après s'être également aperçue de la fraude en recevant des factures très élevées. Au total, 27 plaintes au pénal visent la chaîne Alliance Vision. Le préjudice est colossal, est estimé "à un peu plus de 20 millions d'euros", détaille le patron de l'assurance-maladie Thomas Fatôme, pour qui "on est là pour rembourser des soins qui sont justifiés et pas pour des pratiques frauduleuses". "Il est normal qu'on cesse de conventionner. Dans ces cas-là, on continue à rembourser à de très faibles niveaux, par exemple pour une consultation de 25 euros, c'est 1,20 euro de remboursement", ajoute Thomas Fatôme.
En déconventionnant 13 centres d'un coup, l'assurance-maladie veut dissuader ceux qui seraient tentés de frauder : lorsque les patients apprennent que les rendez-vous avec les dentistes ou les ophtalmologues de ces centres ne sont plus remboursés par la Sécurité sociale, ils cessent de prendre rendez-vous ; ces centres de santé perdent ainsi quasiment toute source de revenus. L'an dernier, l'assurance-maladie a identifié et stoppé 200 millions d'euros de fraude de la part de professionnels de santé.
Les 13 centres de santé concernés sont déconventionnés pour une durée de 5 ans à compter du 21 août 2023 au titre des faits suivants pour "facturation d’actes fictifs" et "non-respect, de manière répétée, des règles de cotation et de facturation des actes". Cette décision a été prise après une série de contrôles entre octobre 20 et juin 2021, puis en mars 2021 et à l'automne et en avril de cette année pour un centre ouvert récemment.
Sur son compte Twitter, la plateforme Doctolib dit vendredi avoir "pris connaissance de la procédure de déconventionnement engagée par l'Assurance Maladie à l’encontre de 13 centres de santé d’un même réseau." "Au vu de la gravité des faits", Doctolib "a suspendu et déréférencé immédiatement l’ensemble des services en ligne de ces centres."
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