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Les médicaments contrefaits, une filière très lucrative pour les trafiquants

Après la saisie record de 2,4 millions de faux médicaments au port du Havre, les consommateurs français doivent-ils s'inquiéter ? Francetv info revient sur le phénomène.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
En 2013, les médicaments représentaient les principaux produits contrefaits saisis par les douanes françaises, avec plus de 1,3 million d'unités. (ANA GASSENT / FLICKR OPEN / GETTY IMAGES)

Les cartons devaient renfermer du thé de Chine : ils abritaient en réalité de l'aspirine, des antidiarrhéiques en sachets solubles et des pilules bleues et jaunes contre les troubles de l'érection. Les douanes ont annoncé, jeudi 10 avril, avoir saisi 2,4 millions de faux médicaments au port du Havre (Seine-Maritime), un record en Europe.

D'où viennent ce type de contrefaçons ? A qui sont-elles destinées ? Faut-il avoir peur de ces faux médicaments ? Francetv info vous en dit plus sur ce commerce très lucratif pour les trafiquants.

Où sont-ils fabriqués ?

Les médicaments contrefaits sont fabriqués pour certains en Russie et dans les ex-pays de l'Union soviétique, mais majoritairement en Asie, explique à francetv info Bernard Leroy, président de l'Institut de recherche contre les médicaments contrefaits (Iracm), une initiative du laboratoire Sanofi. Arrivés en février dernier sur les quais du port du Havre, les deux conteneurs saisis par les douanes étaient ainsi partis de Shanghaï, rapporte France 3.

Bernard Leroy pointe la responsabilité de la "criminalité organisée en Chine" dans ce trafic. "La majorité des matières premières des médicaments sont fabriquées là-bas", complète Eric Przyswa, chercheur au centre de recherche sur les risques et les crises de Mines ParisTech et auteur d'une étude sur le sujet (PDF) pour l'Iracm.

La France est parfois un lieu de transit de ces médicaments : la précédente saisie record en Europe avait déjà été réalisée au Havre, en mai 2013, avec plus de 1,2 million de faux sachets d'aspirine. Le premier port de commerce français voit défiler chaque année des dizaines de milliers de produits contrefaits en tout genre. Les marchandises, dont la saisie a été annoncée jeudi, devaient ensuite se diriger vers la Belgique, mais il n'y a aucune certitude en ce qui concerne leur destination finale, précisent les douanes.

Quels sont les médicaments concernés ?

De l'avis des spécialistes, les trafiquants ont un objectif simple : toucher le plus large public possible. "Leur but, c'est de vendre facilement", décrypte Gaël Guillaume, responsable des opérations douanières en Normandie, contacté par francetv info. "Soit des médicaments ciblés à haute valeur ajoutée, comme le Viagra, soit des médicaments dont la consommation est très courante."

En Afrique, ce sont donc les remèdes contre le paludisme, le sida ou la tuberculose qui sont les plus fréquemment touchés, estime l'Iracm. Pour la clientèle occidentale, les trafiquants ciblent plutôt les médicaments contre les troubles érectiles, les produits amaigrissants ou les anabolisants.

Le phénomène est-il important ?

La saisie de février a beau être exceptionnelle, les douaniers commencent à s'habituer à découvrir de faux médicaments au cours de leurs inspections. En 2013, il s'agissait du premier secteur touché par la contrefaçon, selon les chiffres officiels des autorités françaises : les 1 354 705 unités saisies représentaient 18% du total, devant les vêtements (14%).

Pourquoi autant ? Tout simplement parce que ça rapporte : 55 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010 dans le monde, selon des chiffres de l'organisme américain Center for Medicine in the Public Interest. C'est plus que les stupéfiants : "La filière de la contrefaçon de médicaments est bien plus rentable que celle de la drogue, assure Gaël Guillaume. Pour 1 euro investi, cela rapporte 450 euros aux trafiquants."

Qu'est-ce que je risque si je prends un faux médicament ?

Les faux médicaments saisis au Havre ne contenaient pour la plupart que du glucose, précise Gaël Guillaume. Autrement dit, un placebo, avec uniquement du sucre. A moins d'être diabétique, pas de quoi vous faire du mal. Mais ça ne vous soignera pas non plus vos maux.

Une autre partie contenait bien du principe actif, mais en très faible quantité, ajoute Gaël Guillaume. Pas suffisant pour que le produit agisse réellement. "Mais l'inverse peut aussi être vrai, affirme Isabelle Adenot, présidente de l'Ordre des pharmaciens. Nous avons eu connaissance du cas d'un homme qui a acheté du Viagra surdosé sur internet, ce qui a provoqué chez lui un AVC. Cela peut être gravissime."

D'autant que certaines contrefaçons peuvent aussi contenir des ingrédients dangereux. Début 2009, au moins 84 enfants sont morts au Nigeria, victimes d'un sirop antidouleur frelaté. Le médicament était coupé avec du diethylène glycol, produit chimique utilisé entre autres dans le liquide de frein.

Les médicaments vendus chez votre pharmacien peuvent-ils être des faux ?

Pas de panique, a priori, vous ne devriez pas tomber sur ces faux médicaments en allant retirer votre prescription à la pharmacie. "Les pharmaciens ont l'obligation de se fournir en médicaments auprès d'entreprises autorisées, inspectées. De la fabrication à la distribution, le système est très surveillé", assène Isabelle Adenot. 

Pour les spécialistes, le danger vient d'internet et des sites frauduleux. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de 50% des médicaments vendus en ligne seraient des faux. Pour éviter toute mauvaise surprise, l'Ordre des pharmaciens a publié sur son site la liste des officines autorisées à faire du commerce sur le web.

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