Candida auris : un champignon résistant menace la santé mondiale
Elle est présente sur tous les continents et résiste aux principaux antifongiques. La levure Candida auris, une forme de champignon constitué d'une seule cellule, est un nouvel exemple d’un problème de santé publique grandissant : celui des germes résistants aux médicaments. Ainsi, après les bactéries résistantes aux antibiotiques, le temps des champignons résistants aux antifongiques est arrivé.
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Un germe constituant une "menace urgente"
Candida auris a initialement été découvert au Japon, en 2009, dans l’oreille d’une femme de 70 ans. Il semblait alors inoffensif. Puis, il a peu à peu été observé de façon indépendante dans différents endroits du monde.
Dans un article publié le 6 avril 2019, le New York Times rapporte que le Candida auris a récemment atteint la ville de New York, le New Jersey, et l’Illinois. Par conséquent, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC) l’ont ajouté à la liste des germes constituant une "menace urgente" pour la santé.
En mai 2018, un homme de 90 ans est décédé d’une infection à ce champignon - ou mycose - au Mount Sinai Hospital de New York. Le champignon s’était, le temps du passage du malade, propagé à tous les éléments de la chambre. "Tout était positif à Candida auris : les murs, le lit, les portes, les rideaux, les téléphones, le lavabo, le tableau blanc, le matelas, le cadre du lit, les stores, le plafond…" énumère dans le New York Times le docteur Scott Lorin, directeur de l’hôpital. Et, au-delà de ce constat, la crainte palpable est celle d’une infection nosocomiale, d’autant que ce champignon est capable de survivre plusieurs semaines sur les surfaces inertes.
Les personnes déjà malades en première ligne
Problème : selon les CDC, 90% des infections à Candida auris sont résistantes à au moins un médicament, 30% sont résistantes à au moins deux médicaments et près de la moitié des patients qui ont jusqu’ici contracté une mycose à Candida auris sont morts dans les 90 jours, selon les CDC. Les symptômes d’une infection à Candida auris sont peu spécifiques et peuvent donc retarder le diagnostic : de la fièvre, des douleurs et une importante fatigue.
Les principales victimes de ce champignon sont les personnes déjà malades ou qui possèdent un système immunitaire immature ou affaibli : les nouveau-nés, les personnes âgées, les fumeurs, les diabétiques ou encore les personnes qui souffrent de troubles immunitaires. Mais selon les experts des CDC, à moins que de nouveaux traitements plus efficaces ne soient développés et que l’usage non indispensable des médicaments antimicrobiens ne soient sévèrement limités, le risque va s’étendre aux personnes en bonne santé.
C'est pourquoi, si rien n’est fait, 10 millions de personnes pourraient mourir à travers le monde à cause des infections résistantes en 2050, soit davantage que les huit millions de morts annuels du cancer selon le rapport britannique Review on Antimicrobial Resistance (Revue de la Résistance Antimicrobienne en français) publié en mai 2016 et piloté par l’économiste Jim O’Neill.
Usage effréné des antifongiques et résistance
Comment expliquer de tels chiffres ? A l’image de la résistance des bactéries aux antibiotiques favorisée par un mésusage de ces substances, la résistance des champignons est très probablement due à un usage déraisonné des antifongiques notamment dans les hôpitaux, les cliniques et les exploitations agricoles, principalement pour empêcher les cultures de pourrir. L’origine précise des souches résistantes de Candida auris et la façon dont elles se sont propagées à travers le monde sont encore peu claires.
Mais l’hypothèse la plus probable actuellement est que ce champignon existe depuis des milliers d’années, qu’il est resté méconnu jusqu’aux années 2000 car il s’agit d’un germe peu agressif, mais que les antifongiques utilisés en agriculture au cours du siècle dernier aient commencé à détruire des champignons plus connus, offrant une opportunité à Candida auris de gagner du terrain et de développer des résistances.
Les souches possédant un gène de résistance aux antifongiques ont donc été sélectionnées et se sont développées au détriment des autres champignons sensibles aux antifongiques.
620 cas d’infection en Europe
A l’heure actuelle, les mycoses à Candida auris sont, malheureusement, le plus souvent tues par les établissements de santé par peur de créer une panique ou de pâtir d’une mauvaise réputation.
En Europe, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a déjà recensé 620 cas d’infections à Candida auris entre 2013 et 2017 : 388 en Espagne, 221 au Royaume-Uni, sept en Allemagne, deux en France, un en Belgique et un en Norvège.
En France, l’origine du premier cas de fongémie – c’est-à-dire la présence de champignons dans le sang – a eu lieu en 2015. Son origine reste inconnue. Le deuxième cas, survenu en 2017, a probablement été importé d’un pays étranger, selon l’ECDC. Pour maîtriser ce champignon et limiter sa propagation, les scientifiques devront répondre à trois questions, rapportent aujourd’hui les CDC : pourquoi Candida auris est-il résistant aux antifongiques ; pourquoi les infections à Candida auris n’ont-elles débuté que depuis quelques années ; et pourquoi a-t-il fait une apparition simultanée à divers endroits du globe ? En attendant, des mesures d’hygiène et de prudence (le port de gants, la déclaration des cas, le lavage des mains…) sont les seules précautions à adopter pour tenter de réduire les risques de contamination.
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