Cet article date de plus d'un an.

Covid-19 : cinq choses à savoir sur les "Lockdown files", ces messages qui révèlent la gestion chaotique du gouvernement britannique pendant la pandémie

Divulgués par le journal "The Telegraph", ces échanges sur WhatsApp montrent les coulisses des décisions de santé publique prises au plus fort de la crise sanitaire. Ils mettent notamment en cause l'ancien Premier ministre Boris Johnson et son ministre de la Santé de l'époque, Matt Hancock, à l'origine de la fuite.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'ancien Premier ministre britannique Boris Johnson et son ministre de la Santé, Matt Hancock, lors d'une séance au Parlement à Londres, le 25 mars 2020. (AFP)

Un déballage qui fait grand bruit au Royaume-Uni. Depuis début mars, le journal britannique conservateur The Telegraph* publie des milliers d'échanges WhatsApp entre l'ancien ministre de la Santé Matt Hancock, l'ex-Premier ministre Boris Johnson et d'autres membres du gouvernement ou des responsables de la santé publique, dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19. Regroupés et divulgués sous le nom de "Lockdown files", ces messages interrogent sur la façon dont des décisions touchant des millions de Britanniques ont pu être prises.

Confinement, tests, port du masque, fermeture des écoles... Ces échanges mettent notamment en cause l'ancien Premier ministre britannique, son ministre de la Santé de l'époque, Matt Hancock, et leurs conseillers. Des révélations qui font polémique outre-Manche, notamment parmi les détracteurs des différents confinements et autres restrictions sanitaires imposées pendant deux ans. Franceinfo vous résume cette affaire.

1Des messages fournis par l'ancien ministre de la Santé 

Les plus de 100 000 messages contenus dans les "Lockdown files" ont été transmis au Telegraph par Isabel Oakeshott. Cette journaliste politique, connue pour ses positions anti-confinement et pro-Brexit, avait obtenu ces échanges de la part de Matt Hancock après son départ du gouvernement en 2021. Le ministre de la Santé avait dû démissionner après la parution de photos le montrant en train d'embrasser sa maîtresse et conseillère à une époque où les accolades étaient interdites.

Le ministre avait demandé à Isabel Oakeshott de l'aider à écrire un livre sur sa version de la gestion de la pandémie et lui avait fourni les conversations qu'il avait eues avec ses collègues du gouvernement. Cet ouvrage, Pandemic diaries, a été publié en décembre 2022, au moment même où une commission indépendante a commencé à enquêter sur la gestion de la pandémie.

En dépit d'une entente de non-divulgation avec Matt Hancock, Isabel Oakeshott dit avoir dévoilé ces messages dans "l'intérêt général". "Nous ne pouvons absolument pas attendre plus longtemps pour obtenir des réponses", se justifie-t-elle dans un long éditorial du Telegraph*. Une démarche qualifiée d'"énorme trahison" par l'ancien ministre de la Santé, cité par la BBC*. Interrogé par Politico*, l'équipe de Matt Hancock accuse également le journal d'avoir sciemment omis des messages et d'être "partial".

2Des décisions prises pour des raisons politiques

La fuite de ces messages vise à montrer que Boris Johnson a plusieurs fois changé d'avis sur le confinement. Selon le Telegraph*, son ex-conseiller Dominic Cummings l'aurait même surnommé le "chariot de courses", en raison de ses tendances à "se cogner d'un côté à l'autre de l'allée". En juin 2020, le Premier ministre britannique veut par exemple alléger les mesures de confinement. "Trop tôt pour l'opinion publique", avertissent ses conseillers en communication. Boris Johnson renonce alors à cette idée.

En juillet 2020, Boris Johnson parle d'un deuxième confinement comme de "l'option nucléaire" et le décrit en octobre comme "le comble de l'absurdité". Une semaine plus tard, il finit par le mettre en place, après la fuite dans la presse du plan de confinement, avant même que la décision n'ait été actée.

Selon les documents du Telegraph*, le port du masque à l'école, mesure que le médecin-chef (chargé de définir les mesures de santé publique au Royaume-Uni) n'avait pas jugé nécessaire, a été décidé par Boris Johnson afin de ne pas froisser la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, qui l'avait mis en place en Ecosse.

Le journal affirme également que Matt Hancock a suggéré d'annoncer l'existence du variant Alpha en décembre 2020 pour "faire peur"* à la population et l'inciter à respecter le confinement, alors que Boris Johnson avait promis que les familles pourraient se réunir à Noël. 

3 Le raté des tests en maisons de retraite

Selon le Telegraph*, Matt Hancock n'a pas suivi les conseils du médecin-chef pour faire tester toutes les personnes entrant en maison de retraite au début de la pandémie, de peur de "brouiller les pistes". Au lieu de ça, le ministre de la Santé a imposé les tests seulement pour les personnes hospitalisées. Résultat : le taux de mortalité a flambé dans les maisons de retraite du Royaume-Uni. En deux ans, 40 000 personnes y sont mortes du Covid. Aujourd'hui, l'ancien ministre assure avoir écouté le scientifique, mais affirme que les tests systématiques étaient impossibles à réaliser, faute de stocks suffisants à l'époque. 

4 Des messages sur le ton de la blague ou du mépris

Plusieurs messages font état du ton moqueur, méprisant ou cynique employé par les dirigeants britanniques. A propos des mises en quarantaine de voyageurs revenant de l'étranger, le secrétaire du Cabinet, Simon Case, chef de la fonction publique, déclare qu'ils sont placés dans des "boîtes à chaussures" pour parler des salles d'isolement. Il s'amuse du fait que ces voyageurs aient choisi "de leur plein gré" de revenir dans le pays pour être isolés à l'hôtel. "Hilarant !", dit-il.

En mai 2020, des syndicats d'enseignants s'opposent à la réouverture des classes en raison des risques sanitaires. Le ministre de la Santé les qualifie de "bande d'imbéciles absolus*", ce à quoi le secrétaire d'Etat à l'Education répond : "Je sais, ils détestent travailler".

5 La presse sollicitée pour soutenir le gouvernement

Dès le début de la pandémie, Matt Hancock s'est donné pour objectif d'arriver à 100 000 tests de dépistage réalisés par jour. Face aux difficultés pour y parvenir, le Telegraph* révèle que le ministre de la Santé a demandé à George Osborne, alors rédacteur en chef du journal Evening Standard, de faire sa une sur le sujet. Il lui raconte qu'il y a des milliers de créneaux disponibles pour se faire tester, ce qui est "une bonne nouvelle pour la propagation du virus", mais une mauvaise pour son objectif. "JE VEUX ATTEINDRE MA CIBLE", écrit-il au journaliste, qui accepte sa requête en échange de "déclarations exclusives" pour son journal.

*Ces liens renvoient vers des contenus en anglais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.