Le Covid-19, "le détonateur écologique qui va nous permettre un combat planétaire contre le réchauffement climatique", assure le sociologue Jean Viard
Résolument optimiste, Jean Viard veut croire que de cette crise du Covid découleront, comme "de chaque guerre", des "créativités".
"Moi je dis, ce virus, c'est le détonateur écologique qui va nous permettre un combat planétaire contre le réchauffement climatique", a affirmé vendredi 13 novembre sur franceinfo Jean Viard, sociologue et directeur de recherche associé CEVIPOF-CNRS et auteur du livre La Page Blanche (aux éditions de l’Aube) qui porte sur les conséquences de cette crise sanitaire du Covid-19 sur nos sociétés.
franceinfo : Vous continuez de penser qu'il peut ressortir quelque chose de bon de tout cela ?
Jean Viard : Mais comme à chaque fois, malheureusement. À chaque fois, de chaque guerre, il sort des créativités. Chaque destruction est créative. On a une première course devant nous, c'est la science et je dirais l'enfermement pour aller très vite. On la voit, cette course, elle a l'air d'avancer, mais ce n'est quand même pas demain qu'on va être vaccinés. Il y a donc ce premier combat et on est tous d'accord sur cette course. Et puis, la deuxième course, c'est l'innovation, c'est le fait qu'on bascule dans une révolution numérique. C'est le fait qu'on a compris la crise climatique. Moi je dis, ce virus, c'est le détonateur écologique qui va nous permettre un combat planétaire contre le réchauffement climatique. Avant, on n'était pas convaincu, on triait nos poubelles mais on se disait 'entre ma poubelle et le réchauffement climatique il y a un monde', et là, on a vu 5 milliards de gens faire la même chose, s'observer, se copier les idées des autres, mettre des sommes faramineuses dans la science. Donc, on est en train de bâtir la société qui va lutter contre le réchauffement climatique. Je crois que c'est ça qu'il faut dire.
Est-ce que ce second confinement est encore plus difficile à vivre que le premier ?
La première fois, on a été sidérés. L'idée qu'on nous enferme chez nous comme en Chine, on n'y avait pas pensé. Cette fois, on est entraînés donc quelque part, on craint la douleur qu'on va recevoir parce qu'on la connaît déjà et en même temps, il n'est que partiel ce confinement. En fait, il y a trois peurs en même temps : d'un côté, il y a la pandémie, de l'autre il y a les attentats, et il y aussi la crise économique avec 40% des Français qui pensent qu'ils vont être au chômage. Il y a toute une société qui bouge.
Si on veut être positif, on peut dire que cette pandémie elle est totalement révolutionnaire.
Jean Viard, sociologue et directeur de recherche associé CEVIPOF-CNRSà franceinfo
C'est une révolution géostratégique - on voit bien que Trump, sans la pandémie, il aurait probablement été réélu - mais aussi numérique : les commerces qui étaient en retard sur la numérisation vont se numériser et d'autres - et c'est terrible pour eux - vont se casser la gueule.
Lors du premier confinement, c'était l'urgence sanitaire avant tout. Aujourd'hui, ces arguments sont critiqués et dans certains cas, il y a une contestation très forte de la parole publique, pourquoi ?
En ce moment que fait-on ? On garde le travail, on garde l'éducation, mais on supprime les plaisirs. En moyenne, les Français font 60 km par jour et ont trois pôles d'activités : les courses et les enfants, le travail et les loisirs. On a supprimé le tiers de ces activités : les loisirs, pour essayer de lutter contre la pandémie. Et ça a l'air de marcher.
Concernant les critiques vis-à-vis de la fermeture des petits commerces ?
Est-ce qu'on soutient assez les commerçants ? Un grand nombre d'entre eux étaient en cours de mutation et de numérisation. Qu'est-ce qu'on a contre Amazon ? Pourquoi Amazon marche ? C'est parce que c'est commode et parce que pour le même prix, vous avez des chaussures sans sortir de chez vous. Quand on invente des systèmes aussi efficaces, il faut du coup que les autres proposent une concurrence. Certains vont comprendre qu'on peut livrer autre chose que des pizzas : il faut que le libraire livre, il faut que le pharmacien livre etc. Donc toute cette transformation de la société - comme à chaque pandémie - va être gigantesque.
On veut deux choses : il faut en même temps du local, on veut des magasins de proximité, des lieux de co-working, des écoles avec à la sortie des lieux où on peut acheter des fruits et des légumes... Mais on veut aussi être livrer à domicile.
Jean Viard
Le commerce était en cours de réorganisation. Sauf que là, ça s'accélère à une telle vitesse qu'il y a plein de gens qui sont broyés. Et c'est épouvantable pour eux.
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