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Coronavirus 2019-nCoV : une course au vaccin s'est engagée dans le monde entier

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Un doctorant travaille au développement d'un vaccin contre le coronavirus 2019-nCoV dans son laboratoire de l'université de Marbourg (Allemagne), le 24 janvier 2020. (ARNE DEDERT / DPA / AFP)

Des équipes du monde entier tentent de développer un vaccin contre le coronavirus 2019-nCoV en un temps record. Année après année, la compétition scientifique raccourcit les délais, mais sa mise sur le marché risque tout de même d'être tardive pour endiguer l'épidémie.

"Nous nous préparons toute l'année à ces virus émergents, résume Emmanuel André, microbiologiste à l'Institut Rega de l'université de Louvain (Belgique). Cela reste très théorique... Et puis cela arrive tout d'un coup, quand on ne s'y attend pas." L'épidémie de coronavirus 2019-nCoV lance un défi aux scientifiques du monde entier, car le temps presse pour concevoir un vaccin. Près de 7 700 cas ont été confirmés sur le sol chinois, selon un bilan du 30 janvier diffusé par Pékin que franceinfo n'a pas pu vérifier. Un chiffre qui dépasse le nombre d'infections enregistré lors de l'épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002 et 2003.

Pour l'heure, il n'existe aucun traitement spécifique pour les malades. "La seule chose qu'on peut faire pour les cas sévères, ce sont des soins intensifs pour préserver les fonctions vitales en espérant que le corps passe le cap", résume le chercheur. La communauté scientifique internationale a donc accueilli avec un très vif intérêt la publication de la séquence génétique complète du virus, diffusée le 7 janvier par une équipe de Shanghai. Grâce à ce document, des laboratoires publics et privés se sont lancés dans la course au vaccin candidat.

Des vaccins "relookés" pour le coronavirus

Les technologies peuvent varier, selon les laboratoires, en fonction de leurs spécialités et de leur expérience. L'Institut Rega a par exemple développé une technologie PLLAV ("plateforme de vaccin atténué incorporé par plasmide") pour son vaccin contre la fièvre jaune. En clair, il s'agit d'insérer la séquence génétique de ce flavivirus dans des bactéries pour leur faire produire une version atténuée du virus et déclencher une réponse immunitaire. On parle de "vaccin vivant atténué".

Au passage, les chercheurs de l'institut ont découvert de petites zones du génome du virus de la fièvre jaune où il sera possible d'insérer d'autres séquences génétiques de virus. L'idée est d'ajouter à ce vaccin déjà disponible des parties de l'élément externe du coronavirus 2019-nCoV, son manteau, qui vont être reconnues par des protéines spécifiques et déclencher la réponse immunitaire. L'institut Rega adopte donc une approche qui combine un vaccin vivant atténué (fièvre jaune) et une approche génétique (spécifique au coronavirus).

Nous avons fait des tests dans des modèles animaux pour les virus Ebola, Zika et pour la rage. A terme, le vaccin contre la fièvre jaune de l'institut Rega pourrait donc permettre de déclencher plusieurs réponses immunitaires, y compris contre le coronavirus 2019-nCoV.

Emmanuel André, microbiologiste à l'université de Louvain

à franceinfo

La technique employée par l'Institut Pasteur est identique, mais avec un autre vaccin. "Nous utilisons la rougeole comme un transporteur, en ajoutant dans son génome des gènes des virus ciblés", détaille le virologue Frédéric Tangy à L'Express. Les équipes françaises ont identifié "le morceau d'ADN à même de déclencher une réponse immunitaire" et se donnent trois mois pour développer le candidat vaccin et débuter les tests sur les souris.

L'Europe n'est pas le seul continent à fournir des efforts sur le coronavirus 2019-nCoV. La Coalition pour des innovations en matière de préparation aux épidémies (Cepi) – un partenariat public, privé et philanthropique – a notamment débloqué* 12,5 millions de dollars (11,3 millions d'euros) pour financer trois programmes de recherche dans les laboratoires d'Inovio*, de Moderna* et de l'université du Queensland (Australie).

Il n'y a aucune garantie de succès mais nous espérons que ce travail constitue un pas en avant significatif et important dans le développement d'un vaccin contre cette maladie.

Richard Hatchett, PDG de la CEPI

dans un communiqué

Les équipes mobilisées vont travailler avec des techniques différentes, présentées sur le site de la revue scientifique Science*. Les experts de Moderna souhaitent par exemple convertir les séquences virales en ARN messager, afin de déclencher la réponse immunitaire. En Chine, un vaccin est également en cours d'élaboration, a annoncé un responsable du National Institute for Viral Disease Control and Prevention cité par l'agence officielle Chine nouvelle*. Des initiatives sont également lancées en Russie ou au Canada, au laboratoire VIDO-InterVAc de l'université du Saskatchewan*.

En quelques heures, nous avons été autorisés à travailler sur le coronavirus [par l'agence publique de santé canadienne]. Je n'ai jamais vu un temps d'attente aussi court. Ça montre à quel point les organisations peuvent travailler ensemble [dans de telles situations].

Volker Gerdts, PDG du VIDO-InterVAC

dans un communiqué

D'autres laboratoires sont aussi sur les rangs même en l'absence de subventions, comme les américains Novavax ou NanoViricides. "Si vous êtes le premier sur le marché, vous créez le marché", résume l'économiste Claude Le Pen, spécialiste des questions de santé. Depuis plusieurs années, la recherche de vaccins est souvent assurée par des start-up, lesquelles vendent ensuite leurs licences à de grands groupes suffisamment solides pour assurer le développement et la production en quantité industrielle. Après le début de l'épidémie, des start-up comme Inovio ou Novavax ont donc vu leurs cours s'envoler en Bourse.

Ceux-ci, toutefois, ont dégringolé à toute vitesse cette semaine, peut-être en raison des craintes sur l'attitude future de la Chine. "Les fabricants chinois auront un avantage compétitif car Pékin n'aura aucun mal à favoriser ses producteurs locaux", explique Claude Le Pen. Malgré cet aléa, les laboratoires bio-tech spécialisés ont tout intérêt à remporter la course au vaccin et à publier leurs travaux en premier. La médaille du vainqueur fait déjà miroiter de jolis reflets dorés : "valorisation, promotion, obtention de financements, levées de fonds et nomination dans de grands comités."

Une forte émulation entre laboratoires

Le départ est donc massif dans cette course au vaccin. Mais combien de temps faudra-t-il pour franchir la ligne d'arrivée ? Des scientifiques de l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) ont affirmé que le vaccin candidat pourrait être prêt pour des essais cliniques dans trois mois.

En effet, les scientifiques ont un avantage dans le cas du nouveau coronavirus, puisqu'ils ont déjà été mis à contribution lors de deux autres épidémies liées à des coronavirus : le Sras (2002-2003) et le MERS-CoV (2012) – même s'il n'existe pas encore de vaccin approuvé pour ces deux coronavirus. A titre d'exemple, il avait fallu vingt mois pour développer un vaccin candidat pour le Sras jusqu'à la phase clinique 1, puis ce délai a été progressivement amené à "3,25 mois pour d'autres maladies virales", soulignent des chercheurs américains dans la revue médicale JAMA*.

Les laboratoires Moderna et Inovio veulent passer aux tests sur les animaux d'ici un mois. Inovio se targue ainsi d'avoir mis au point un vaccin contre le virus Zika en seulement sept mois jusqu'aux tests humains, soit "le développement de vaccin le plus rapide enregistré au cours des dernières décennies". Dans un contexte de forte émulation, le PDG d'Inovio, le docteur Joseph Kim, a même annoncé* qu'il voulait "améliorer ce calendrier accéléré pour relever le défi actuel". Les chercheurs australiens du Queensland, eux, envisagent un délai de six mois pour mettre au point leur vaccin qui serait "distribué aux premiers intervenants" médicaux après validation, selon le professeur Paul Young*, "ce qui permettrait de contenir l'épidémie".

De longues étapes et quelques raccourcis

Mais cela ne veut pas dire que le vaccin sera disponible à cette échéance. En effet, un essai clinique doit respecter plusieurs phases avant d'être mis sur le marché, rappelle l'OMS, la première consistant à tester la sécurité du vaccin candidat sur des dizaines de personnes à faible risque. La phase 2 est réalisée sur plusieurs centaines de personnes. Elle permet d'observer de potentiels effets secondaires et de déterminer posologie et calendrier de vaccination optimal. La phase 3 de l'essai clinique, enfin, approfondit les observations sur des milliers de personnes et sur des périodes plus longues.

Avant une mise à disposition du vaccin, les autorités de réglementation doivent encore donner leur feu vert à la fin de l'essai clinique. Mais l'OMS peut accélérer les procédures dans ce domaine, en déclenchant notamment une "urgence de santé publique de portée internationale" (USPPI). Celle-ci inciterait alors l'agence européenne des médicaments (EMA) à délivrer un "fast track" ("circuit court") aux équipes impliquées dans la recherche d'un vaccin. Ce dispositif permet d'accélérer les étapes alors qu'un développement classique peut prendre plusieurs années.

Comme lors de l'épidémie de virus Ebola, on peut imaginer qu'en raison de l'urgence, les organismes qui ont pour rôle de vérifier la rigueur et l'efficacité des études vont jouer un rôle facilitant entre les différentes étapes.

Emmanuel André, microbiologiste à l'université de Louvain

à franceinfo

La piste du vaccin n'est pas la seule à l'étude, puisque certains centres explorent également la possibilité d'un traitement antiviral. "Nous avons déjà testé cette option avec le Sras, le MERS et la grippe", explique le virologue Bruno Lina, du Centre international de recherche en infectiologie, basé à Lyon. "Nous avons un certain nombre de données préliminaires et on espère gagner du temps grâce à ces informations." Ses équipes ont développé des molécules dites "pan-coronavirus", actuellement en phase de test, et quatre d'entre elles pourraient notamment aboutir à des résultats encourageants sur le 2019-nCoV, en permettant de rendre les cellules réfractaires à l'infection virale et d'éliminer ainsi le coronavirus.

Cette option est également à l'étude au sein de l'Institut Rega de Louvain. “En Chine, aujourd'hui, certains utilisent des médicaments antiviraux présents dans la pharmacopée sans aucune certitude sur leur efficacité", détaille Emmanuel André. Comme à Lyon, les équipes de Louvain attendent avec impatience de recevoir une souche du coronavirus 2019-nCoV dans leurs laboratoires sécurisés. En Belgique, 400 000 molécules seront testées seules ou combinées afin de combattre le virus. Il est aujourd'hui impossible de garantir le succès de ces travaux sur les antiviraux, et encore moins de livrer une échéance. Le monde entier est à ses trousses, mais le coronavirus a toujours un temps d'avance.

* lien en anglais

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