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Coronavirus : cinq questions pour comprendre la polémique sur les masques chirurgicaux détruits en pleine épidémie

Des stocks importants de masques ont été éliminés, jusque très récemment, car ils étaient considérés comme hors d'usage. Mais, selon certains médias, une partie d'entre eux aurait pu être utilisée malgré tout.

Article rédigé par franceinfo
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Les masques de protection ont un coût carbone élevé car ils doivent être incinérés ou traités avec prudence. Ils polluent aussi la planète car souvent fabriqués avec des matières dérivées du pétrole.  (MAXPPP)

On savait que la France manquait de masques, mais en a-t-elle volontairement détruit pendant l'épidémie de coronavirus ? Une enquête du journal Le Monde, parue jeudi 7 mai, avance que des millions de masques chirurgicaux stockés dans un entrepôt appartenant à l'Etat ont été brûlés alors qu'ils auraient pu être réutilisés. Le gouvernement assure de son côté que ces masques étaient hors d'usage.

1De combien de masques la France disposait-elle au début de la crise ?

Ce n'est plus un secret d'Etat : la France ne disposait pas, au début de la crise, d'un stock de masques suffisant pour affronter une pandémie d'une telle ampleur. En mars, Olivier Véran avait affirmé que lors de son arrivée au ministère de la Santé en remplacement d'Agnès Buzyn, les stocks stratégiques d'Etat comptaient 117 millions de masques chirurgicaux, et aucun masque FFP2. Une réserve largement insuffisante lorsque l'on sait que la France "consomme" quelque 40 millions de masques par semaine en temps de pandémie.

Surtout, il s'avère que ce stock a fondu comme neige au soleil en l'espace de quelques années. En 2009, l'Etat disposait ainsi d'un stock d'un milliard de masques chirurgicaux et de 723 millions de masques FFP2.

2Combien de masques ont été détruits ces dernières années ?

Selon Le Monde, il y avait encore 714 millions de masques chirurgicaux en stock en 2017, à la fin du quinquennat de François Hollande. Le journal précise qu'une grande partie d'entre eux (616 millions) dataient pour l'essentiel de 2005 et 2006. Les masques produits à cette époque-là ne disposaient pas de date de péremption. Le reste du stock (98 millions) a été acquis entre 2014 et 2016.

Alors, comment est-on passé de 714 millions à 117 millions en moins de trois ans ?Selon Le Monde, sur les 616 millions de masques datant de 2005-2006, seuls 19 millions ont été sauvés. Tous les autres (soit 597 millions) ont été détruits, brûlés ou mis au pilon.

3Certains de ces masques étaient-ils encore utilisables ?

Ces destructions de masques ont été décidées à la suite d'une expertise commandée par Santé publique France et menée en 2018 par une entreprise belge, explique Libération. "Ils étaient tous non conformes, sauf 100 millions qui s’apprêtaient à être périmés", assure au journal François Bourdillon, qui était alors directeur de l'agence sanitaire.

Une assertion remise en cause par l'ancien directeur général de la santé, Benoît Vallet, qui avait supervisé le lancement de cette expertise en 2017. Bien qu'il n'ait pas eu connaissance du résultat (il a été remplacé en janvier 2018 par Jérôme Salomon), Benoît Vallet estime qu'une partie conséquente des masques de 2005-2006 auraient pu être utilisés. "Ces masques peuvent être utilisés même quand ils sont anciens, ils conservent leurs propriétés", assure-t-il.

4 A-t-on continué à détruire des masques pendant la crise ?

Dans son enquête, Le Monde indique qu'en pleine crise du Covid-19, des conseillers du Premier ministre ont découvert que "des millions de masques issus des réserves étatiques, dont une part non négligeable sans doute utilisable", étaient "consciencieusement brûlés". Interrogé lors de sa conférence de presse du 7 mai, Edouard Philippe a reconnu qu'un stock de 360 millions de masques chirurgicaux "périmés" avait été identifié, et que 85 millions d'entre eux avaient pu être conservés.

Selon une enquête de la chaîne BFMTV publiée mercredi 13 mai, ce stock de "362 millions de masques" était entreposé "secrètement" dans la Marne, "sans même que le gouvernement soit au courant". Un million et demi de ces masques, considérés comme désuets, auraient été brûlés entre janvier et mars 2020, selon la chaîne, sans que leur état ait été vérifié. Un empressement peut-être lié à la doctrine officielle du gouvernement, qui consistait à dire que les masques chirurgicaux n'étaient utiles qu'aux personnes malades et aux soignants, et pas au grand public. Informé de la situation le 25 mars, Matignon aurait alors immédiatement fait stopper la destruction afin de diligenter un état des lieux.

Ce n'est que le 20 avril que le verdict tombe : sur les 362 millions de masques découverts, seuls 85 millions sont utilisables, rapporte BFMTV. Ce qui confirme le chiffre donné par Edouard Philippe lors de sa conférence de presse.

5Comment le gouvernement se défend-il ?

"On les a fait tester par la DGA [Direction générale de l'armement], par l'ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament]. Cela nous a permis de dire qu'ils pouvaient être mis à disposition, non pas comme des masques chirurgicaux, mais comme des masques grand public, ce que nous avons fait", a précisé le Premier ministre, jeudi 7 mai, lorsqu'il a été interrogé sur ces destructions. Les autres ne sont plus utilisables et ont donc vocation, le moment venu, à être détruits."

Interpellé le 7 mai à l'Assemblée nationale par le député LR Eric Ciotti, Olivier Véran a assumé cette décision. "On a détruit des masques moisis, inutilisables, dont les critères de filtration et de respirabilité font que vous ne les donneriez même pas à votre lapin nain. Ce sont des masques totalement hors d'usage."

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