Coronavirus : en Chine, l'épidémie paralyse le secteur du cinéma
L'épidémie de coronavirus paralyse et fragilise le secteur du cinéma chinois, avec des conséquences pour les productions venues d'autres pays, parmi lesquels les États-Unis.
Sorties de films reportées, salles fermées, studios rongés par l'inquiétude... En Chine, l'épidémie de coronavirus fige tout un secteur au risque de fragiliser un marché devenu crucial pour les productions hollywoodiennes.
Vendredi 14 février, en soirée, dans un quartier branché de Pékin, pas l'ombre d'un cinéphile aux abords du Megabox (huit écrans) : les portes du cinéma restent closes depuis presque un mois "pour éviter la contagion" et aucune date n'est fixée pour la réouverture. La plupart des cinémas chinois sont fermés depuis le 24 janvier, victimes des mesures imposées pour endiguer l'épidémie du nouveau coronavirus - laquelle incite de toute façon les Chinois à rester chez eux.
Après l'essor de 2019, l'épidémie a tout figé
L'épisode arrive au pire moment : les longues vacances du Nouvel an lunaire (tombé cette année le 25 janvier) connaissent d'habitude un pic de fréquentation des cinémas et de nombreux blockbusters sortent à cette occasion.
"En 2019, les recettes des cinémas pendant les congés du Nouvel an représentaient entre 20% et 30% du box office total sur l'année, c'est énorme", rappelle Wilson Chow, expert du secteur pour le cabinet PwC, cité par l'AFP. Le jour du Nouvel an lunaire en 2019, les cinémas avaient engrangé 240 millions de dollars, des recettes tombées cette année à 300.000 dollars, selon lui.
Le groupe public China Film Group Corporation avait réalisé l'an dernier 8% de ses revenus annuels durant ces vacances. Avec ses cinémas fermés et la sortie reportée de films qu'il coproduit, l'épidémie "aura un impact certain" sur ses résultats, a-t-il prévenu. Des opérateurs de salles plus fragiles pourraient mettre la clé sous la porte si la fermeture se prolonge, redoute ainsi Wilson Chow.
Internet surfe sur la crise, les studios de cinéma furieux
Les perspectives s'assombrissent aussi pour les plus grandes chaînes, qui s'affolent de la concurrence d'internet. Huanxi Media, un gros studio, a décidé de diffuser directement en ligne sa comédie très attendue Lost in Russia, plutôt que de reporter sa sortie. Il s'est associé avec le géant internet Bytedance, qui lui a versé 90 millions de dollars pour proposer le film sur ses plateformes Douyin et Toutiao.
Plusieurs grandes chaînes de cinémas - dont Wanda, Bona, Dadi et Lumiere Pavilions - ont réagi avec fureur, menaçant dans une lettre commune de boycotter les prochains films de Huanxi. Pour eux, ce précédent "revient à détruire délibérément l'industrie cinématographique". D'autres studios, eux, ont reporté leurs sorties sine die et beaucoup de tournages sont suspendus ou ralentis. Le producteur Wanda Film a vu son titre s'effondrer de 25% en un mois à la Bourse de Shenzhen.
À l'inverse, la plateforme de vidéos en ligne iQiyi pousse ses feux : elle a avancé son programme de diffusion de films pour répondre à la demande des Chinois confinés chez eux.
Le marché chinois vital pour Hollywood
La fréquentation des salles obscures a explosé depuis une décennie : les ventes de billets en Chine (qui compte plus de 60.000 écrans) totalisaient l'an dernier 9,2 milliards de dollars, contre 1,5 milliard en 2010. La Chine était donc en bonne voie de détrôner en 2020 les États-Unis comme premier marché mondial en termes de box office. Espoir ruiné par l'épidémie.
L'onde de choc est mondiale : le vaste marché chinois est devenu vital pour les superproductions hollywoodiennes - et un tiers des recettes en Chine est généré par des films étrangers. Disney pouvait espérer y remporter un succès colossal au printemps avec son nouveau film Mulan, une production à 200 millions de dollars racontant les aventures d'une jeune Chinoise déguisée en soldat. Mais le géant américain, déjà affecté par la fermeture de ses parcs d'attraction à Hong Kong et Shanghai, a reconnu ignorer quand il pourrait finalement diffuser Mulan.
Autre victime, l'exploitant de salles et distributeur Imax Corp., basé au Canada : son manque à gagner pourrait dépasser 60 millions de dollars. Il a assuré dans un communiqué miser sur des sorties de films reportées plus tard en 2020 et sur une demande de divertissement "toujours élevée".
Reste à voir quand les cinémas seront finalement autorisés à rouvrir... et s'ils ne restent pas durablement boudés par des spectateurs traumatisés par l'épidémie.
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