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Coronavirus : l'Arabie saoudite hésite à annuler le grand pèlerinage annuel à La Mecque

Le pays devrait décider rapidement s'il maintient le hajj prévu fin juillet. Le coronavirus rend l'annulation probable.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le pèlerinage de La Mecque, en Arabie saoudite, le 13 août 2019. (STRINGER / EPA / MAXPPP)

C’est une décision difficile, guettée par tous les musulmans de la planète. Le hajj, grand pèlerinage à la Mecque, doit se dérouler normalement du 28 juillet au 2 août, mais compte tenu des contraintes d’organisation, l’Arabie saoudite doit prendre sa décision d'ici fin juin. La situation sanitaire plaide plutôt pour l’annulation, ce qui serait sans précédent depuis 1932 et la fondation de l’Arabie saoudite.

Le risque de la contagion

L’épidémie n’est pas contrôlée sur le sol saoudien. La mortalité demeure assez faible, le pays annonce 1 090 décès du coronavirus, mais ces chiffres sont en augmentation. Le nombre de cas de contamination est préoccupant : 140 000 cas, presque autant que la France. Qui plus est, La Mecque est un foyer de la maladie, beaucoup plus que la capitale, Ryad. Un confinement assez strict demeure en place, en particulier à Jeddah, qui est la porte d’entrée de La Mecque, sur les bords de la mer Rouge.

Il y a surtout l’énorme risque de contagion que déclencherait un afflux de pèlerins venus de toute la planète. D’autant que ces pèlerins, dix millions par an, sont souvent des personnes relativement âgées, à risque, le déplacement coûtant cher. Le système de santé saoudien, malgré la richesse du pays, est assez précaire, avec un nombre de lits par habitant relativement faible.

Dix milliards de revenus liés au pèlerinage

Il y a l’option d’un pèlerinage de taille réduite. Certains pays ont annoncé leur volonté d’empêcher leurs ressortissants de se rendre à La Mecque cette année. C’est notamment le cas de l’Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, mais aussi la Malaisie et Singapour. Mais plusieurs autres pays attendent la décision saoudienne : c’est le cas de la Turquie, du Maroc, de l’Egypte, et des communautés musulmanes dans les pays occidentaux. L’Arabie saoudite pourrait également décider de réserver le pèlerinage aux ressortissants saoudiens. Mais même dans ce cas, le risque de contagion est réel. D’ailleurs, à ce jour, l’accès la pierre sacrée de la Kaaba reste interdit. Tout comme l’Omrah, le petit pèlerinage qui lui peut être effectué n’importe quand dans l’année. Interdit également.

Alors pourquoi ne pas annuler purement et simplement ? Tout simplement parce que l’Arabie Saoudite a beaucoup à perdre. Symboliquement d’abord : le pays tire une forte légitimité politique et religieuse de l’organisation de ce pèlerinage. Il y a donc un risque en termes d’image, a fortiori à un moment où la réputation saoudienne n’est pas très bonne dans le monde musulman, en raison de la guerre au Yémen ou de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Beaucoup à perdre aussi financièrement. Les pèlerins, le tourisme religieux comme on l’appelle aussi, constituent la deuxième ressource financière du pays après le pétrole. Dix milliards par an de revenus directs, le triple si on compte toutes les dépenses indirectes effectuées lors du voyage. Et comme le baril de pétrole est lui aussi en chute libre (-34% de revenus pétroliers pour le pays par rapport à l’an dernier), c’est tout le budget qui est menacé. L’Arabie Saoudite va donc devoir énormément diminuer ses dépenses et renoncer à plusieurs projets pharaoniques.

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