Coronavirus : la préfecture de police de Paris a-t-elle sous-estimé le risque pour ses agents ?
Le malaise est palpable à la préfecture de police de Paris après la mort d’un fonctionnaire victime du coronavirus. Dans son service, six personnes ont été contaminées ou présentent des symptômes préoccupants. Certains fonctionnaires estiment avoir été insuffisamment protégés.
Le jeudi 26 mars, la préfecture de police de Paris annonce la mort d’un de ses fonctionnaires à cause du coronavirus par un tweet : "C'est avec émotion que nous apprenons le décès de l'un de nos collègues qui avait contracté le Covid-19. L'ensemble des personnels de la PP s'associe à la tristesse de sa famille et de ses proches."
L’homme dont il est question allait avoir 56 ans. Père de quatre enfants, il travaillait avec deux autres collègues, au troisième étage du bâtiment de la préfecture de police de Paris, tout près de la cathédrale Notre-Dame, dans ce qu’on appelle le "bureau d’ordre" (BGD). Il était chargé de mettre à jour et de numériser les dossiers des étrangers présents sur le territoire français. À ce titre, il se déplaçait dans les étages pour récupérer des dossiers, puis il les rendait à ses collègues. Il était donc en contact régulier avec eux.
Une collègue avec un masque
Selon les informations recueillies par la cellule investigation de Radio France, les jours précédents son départ, il a côtoyé une de ses collègues qui travaillait à l’un des guichets du huitième bureau, au quatrième étage du bâtiment. On y prend notamment en charge l’accueil des étrangers menacés de reconduction à la frontière. Le vendredi 13 mars au matin, cette guichetière porte un masque car elle tousse et dit avoir de la fièvre. Certains de ses collègues s’en émeuvent. Elle sera finalement autorisée à rentrer chez elle.
Durant le week-end, le Premier ministre annonce la fermeture des lieux publics non essentiels, tandis le directeur général de la santé explique que la France évolue "vers une épidémie généralisée dans les tous prochains jours". Dans ce contexte, à la veille du confinement, le lundi 16 mars, un deuxième agent des guichets du huitième bureau fait un malaise à son tour. Le Samu est appelé. Il sera transporté à l’hôpital Cochin. Les guichets continuent cependant de fonctionner, sans que le personnel dispose de gel hydroalcoolique, contrairement à d’autres services. Certains employés doivent apporter leurs propres flacons.
Le même jour, vers 10h du matin, le fonctionnaire du bureau d’ordre, qui décédera plus tard, présente des premiers symptômes inquiétants. "L’agent de la Direction de la Police Générale a signalé à sa hiérarchie ne pas se sentir bien le lundi 16 mars", nous a confirmé la préfecture qui explique que "son responsable lui a alors demandé de rentrer à son domicile et de consulter un médecin". Il s’avèrera plus tard qu’il est atteint du coronavirus Covid-19, mais dans un premier temps, aucune mesure de confinement de ses collègues ni de désinfection rapide n’est prise. Ses collaborateurs continueront de travailler dans le même bureau jusqu’à la fin de la journée, et ils se présenteront à leur poste le lendemain matin. Le fonctionnaire qui est décédé "partageait son bureau avec deux autres agents qui ont cessé leur travail dès le mardi 17 mars au matin", reconnaît la préfecture, qui précise cependant : "L’annonce des mesures gouvernementales de confinement et la confirmation que l’agent était atteint du Covid-19 ont été concomitantes. Les équipes dans les services administratifs ont été réduites au strict minimum au fur et à mesure de l’organisation du travail à distance et de la baisse d’activité."
Une poussée de fièvre et des nausées
Un autre incident survenu le 2 mars, alors que la sensibilité à l’épidémie était moindre, avait déjà provoqué une émotion dans le service. Ce jour-là, un homme accompagnant un migrant se présente au huitième bureau. Il est alors sujet à une poussée de fièvre et à des nausées. Pris de malaise, il s’évanouit. Plusieurs fonctionnaires le côtoient au cours de la journée, jusqu’à ce qu’il soit emmené par le Samu. Lorsque le personnel apprend qu’il revenait d’Italie, des voix s’élèvent pour réclamer une désinfection immédiate des lieux. Ce sera fait plus tard. "Les locaux où est survenu cet événement ont fait l’objet d’un nettoyage avant l’arrivée des agents et des usagers le mardi 3 mars au matin", nous a affirmé la direction de la Préfecture de police. L’homme n’ayant pas été hospitalisé, il ne sera pas testé. Son malaise ne sera donc pas considéré comme relié au Covid-19, et il n’entrainera pas de mesures particulières.
Aujourd’hui, parmi la vingtaine d’employés qui travaillent en temps normal au huitième bureau de la préfecture de police, on a enregistré un décès, et cinq personnes présentent des symptômes concordants avec ceux du coronavirus Covid-19. L’une a été testée positif, les autres, n’ayant pas fait l’objet d’une hospitalisation, ne sont considérées que comme des cas suspects. A-t-on, donc, comme le pensent certains, sous-estimé les risques, en ne prenant pas de mesures adaptées après les premières alertes, alors que les risques épidémiques augmentaient ? La préfecture de Police s’en défend : "Depuis le début du mois de mars, les procédures de nettoyage ont été renforcées notamment dans les locaux accueillant du public (couloirs de circulation, poignées, tablettes tactiles mises à disposition du public…). L’état de santé des agents fait l’objet d’une attention particulière des services de la préfecture de Police."
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