Coronavirus : "Lorsque l'épidémie sera derrière nous, on se rendra compte que la plupart des personnes décédées sont mortes en Ehpad", avance un médecin
"Plus du tiers des décédés sont des résidents en Ehpad", rapporte le Dr Jean-Paul Zerbib qui souligne qu'on ne connaît les chiffres que de 4 900 établissements sur 7 200.
La situation dans les Ehpad est très préoccupante, près de 4 200 morts du coronavirus d'après les derniers chiffres des autorités sanitaires. Sur franceinfo, le Dr Jean-Paul Zerbib, médecin en Ehpad et président de l’Union nationale des médecins salariés CFE-CGC (UNMS), responsable national CFE-CGC pour l’intersyndicale pour les personnes âgées dépendantes en Ehpad et en soins à domicile, explique que la situation va empirer. Elle sera même pire, selon lui que celle dans les hôpitaux.
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franceinfo : Est ce que la situation dans les Ehpad va empirer ?
Il y a fort à parier malheureusement que lorsque l'épidémie sera derrière nous, on se rendra compte que la plupart des personnes décédées sont mortes en Ehpad. Plus que dans le reste de la population, ce sera colossal. Le dernier chiffre, 4 166 morts en Ehpad sur 12 000 en France, veut dire que plus du tiers des décédés sont des résidents en Ehpad. Dans le pays, il y a peu près 700 000 personnes en Ehpad soit 1% de la population. Dans ce 1% de la population, un tiers des personnes sont décédées. C'est évidemment énorme et encore... nous n'avions hier les remontées que de 4 900 établissements sur environ 7 200 Ehpad en France.
Est-ce qu'on connaît aujourd'hui le nombre de résidents qui sont porteurs du Covid- 19, puisque des campagnes de tests de dépistage commencent à avoir lieu ?
On est actuellement autour de 31 000 sur 700 000 personnes en Ehpad, ce qui fait un petit peu moins de 5%, ce qui est énorme. Mais bien évidemment, vu que cela a été fait seulement sur une partie des Ehpad, on peut penser que ce chiffre est beaucoup plus grand. On voudrait clairement que la situation dans les Ehpad pour nos aînés soit une des priorités. Il y en a d'autres, bien évidemment, mais il faut qu'on mette le paquet à la fois sur le personnel et sur les moyens. C'est-à-dire sur les gants, les masques, les blouses, etc. Et également côté salarié. L'arrivée du Covid-19 dans les Ehpad oblige à isoler, oblige à organiser les soins de façon différente et crée de nouveaux problèmes. Certains ont des problèmes psychologiques.
Ce facteur psychologique concerne les médecins, les infirmiers, les soignants et les résidents ?
Tout à fait. Il y a trois pôles au niveau d'une aide psychologique que nous souhaitons. Il y a d'abord, bien évidemment, les résidents. Il y en a un certain nombre qui dépriment ou qui sont seuls. Ils sont isolés, ils ne voient plus personne. Les familles ne viennent plus. Il n'y a plus de bénévoles qui viennent les voir. La difficulté qu'on a en Ehpad aujourd'hui c'est que les médecins coordonnateurs sont totalement débordés. Les médecins généralistes qui viennent voir les résidents, c'est exactement la même chose. Et je vous rappelle que dans près de 40% des Ehpad il n'y a pas de médecin coordonateur. Il y a les résidents, les soignants mais il y a aussi des familles qu'il ne faut pas oublier. Les familles ne voient pas leurs proches, sont inquiètes, font confiance. Mais malheureusement, du côté des familles, les informations ont du mal à remonter. Il faut mettre en place un système et ça existe, de moyens de communication. Bien évidemment le téléphone, mais aussi les nouveaux moyens, style Skype ou WhatsApp, pour mettre en contact les résidents avec leurs familles. Mais pour une personne âgée dépendante, c'est souvent extrêmement difficile. Même déjà l'usage du téléphone : repérer les bonnes touches, remettre le téléphone au bon endroit, entendre parce qu'il y a un certain nombre de problèmes acoustiques... Ce n'est pas simple et il faut l'aide de soignants autour des personnes âgées.
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