Coronavirus : on vous explique pourquoi la situation dans l'hémisphère sud fait craindre un retour de l'épidémie cet hiver
Malgré les bons indicateurs actuels, le risque d'une deuxième vague de Covid-19 à la fin des beaux jours est pris au sérieux par les épidémiologistes.
L'idée avait émergé dès les premiers jours de l'épidémie en Europe : et si le coronavirus disparaissait avec l'arrivée des beaux jours, comme une vulgaire grippe saisonnière ? Quatre mois plus tard, le recul observé en ce début d'été sur le vieux continent (et notamment en France) ravive l'hypothèse de la saisonnalité du virus. "Il est en train de s'installer dans les pays où c'est habituellement la saison grippale, où il fait froid", expliquait ainsi Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique, lundi 6 juillet, sur France Inter. Cela nous dit qu'à moyen terme, quand il recommencera à faire froid dans l'hémisphère nord, le virus reviendra." Franceinfo vous aide à bien comprendre pourquoi.
Que constatent les épidémiologistes ?
Les épidémiologistes observent ce qu'il se passe actuellement dans les pays de l'hémisphère sud. "C'est extrêmement inquiétant", résume Arnaud Fontanet qui constate "une montée de l'épidémie très forte dans les pays qui sont aujourd'hui en période hivernale". Face à la flambée des cas de coronavirus, plusieurs régions ont en effet dû procéder à un reconfinement partiel. C'est le cas à Melbourne, deuxième ville d'Australie, où plus de cinq millions de personnes ont reçu l'ordre des autorités locales, mardi 7 juillet, de rester chez elles pendant au moins six semaines.
Même décision à Madagascar où, deux mois après son déconfinement, la capitale Antananarivo est de nouveau placée à l'isolement depuis lundi. Ou encore en Afrique du Sud où des médecins militaires ont été déployés dans la province du Cap oriental pour aider le personnel médical à faire face à la recrudescence de la pandémie, alors même qu'un déconfinement progressif a débuté en juin...
Si cette saisonnalité se confirme, la surveillance de la résurgence de la maladie dans l'hémisphère sud entre juin et septembre pourra aider à préparer l'hémisphère nord aux éventuelles prochaines vagues de Covid-19. "Dit autrement, si l'Australie arrive à contrer la flambée hivernale du coronavirus, ça doit nous alerter", résume le professeur Antoine Flahault, interrogé par franceinfo. Et le directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève de rappeler que c'est "en hiver" et "en Chine continentale" que le virus a émergé fin 2019. Ensuite, "il a entraîné de fortes épidémies dans les zones tempérées de l'hémisphère nord entre janvier et mai" alors que "son activité était moindre dans les zones tempérées de l'hémisphère sud", décrit encore cet expert.
Une deuxième vague est-elle inévitable ?
Impossible de le dire de manière affirmative. "Celui qui répond oui ou non à cette question, il ne faudrait pas l'écouter, lâche Antoine Flahault. On n'en sait rien pour le moment." "Aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de dire avec certitude si la circulation du virus va s'intensifier à nouveau cet été, cet automne ou cet hiver", remarque Sibylle Bernard-Stoecklin, épidémiologiste à Santé publique France, dans Les Echos. "Mais nous nous préparons à une seconde vague, qui est tout à fait probable." C'est d'ailleurs déjà ce que suggéraient les treize membres du Conseil scientifique dans leur avis du 21 juin.
Une intensification de la circulation du Sars-CoV-2 dans l'hémisphère nord à une échéance plus ou moins lointaine (quelques mois, et notamment à l'approche de l'hiver) est extrêmement probable.
Le Conseil scientifiquedans son avis du 21 juin
Par ailleurs, tous les scientifiques ne s'accordent pas sur la question du timing d'une éventuelle deuxième vague. Interrogé dans Le Parisien, le professeur Eric Caumes émet l'idée d'un retour en force de l'épidémie en France dès cet été, en raison notamment du manque de précautions et du non-respect des gestes barrières, observés au sein de la population.
A partir de quelle température le virus pourrait-il faire son retour ?
Là aussi, difficile de le savoir. "La saisonnalité, ce n'est pas seulement le fait que le froid et l'humidité favorisent ou non la diffusion du virus, souligne Antoine Flahault. C'est aussi un changement de comportement pendant l'hiver, on est plus souvent chez nous, enfermés. Contrairement à l'été où l'on est dehors, où les écoles restent fermés..."
Il faut imaginer un frein à main de voiture que l'on desserrerait à la fin de l'été, après les beaux jours. C'est là que peut redémarrer le processus épidémique, ou en tout cas être favorisé.
Antoine Flahaultà franceinfo
C'est d'ailleurs ce qui a été observé "lors des quatre dernières pandémies grippales", celles de 1918, 1957, 1968 et 2009. "Chacune d'elle a connu au moins deux vagues, et même parfois trois", rappelle Antoine Flahault.
Mi-juin, des chercheurs américains (en anglais) semblaient confirmer ce que plusieurs scientifiques soupçonnaient déjà : dans l'hémisphère nord, la pandémie a perdu en intensité avec l'arrivée de l'été, mais pourrait revenir en force l'hiver prochain. Pour arriver à ces conclusions, ils ont analysé l'incidence de la maladie, c'est-à-dire le nombre de nouveaux cas sur une période donnée, dans cinquante villes du monde. Résultat, résume le magazine US News & World Report (en anglais), "toutes les villes/régions avec de grandes épidémies de Covid-19 ont des climats hivernaux similaires, avec une température moyenne de [0 à 10 °C], des niveaux d'humidité moyens de 47% à 79%, et sont situées dans une bande de latitude nord entre 30 à 50 degrés".
Comment peut-on éviter ce rebond ?
En ne baissant pas la garde face au virus pendant les vacances d'été, notamment. "On s'est rendu compte depuis quelques semaines qu'on avait besoin de recommencer à vivre, on a eu des événements, y compris festifs, qui traduisent ce besoin. Je le comprends parfaitement et mais j'ai envie de dire : maintenant, il faut peut-être qu'on se ressaisisse un peu parce que l'on se rend compte que le virus est toujours présent", alerte l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.
Tant que le virus circule ailleurs dans le monde, le risque d'une reprise en France dans les mois qui viennent subsiste.
Sibylle Bernard-Stoecklindans "Les Echos"
Antoine Flahault estime que "la question ne devrait pas être de savoir s'il y aura ou non une deuxième vague." La "bonne attitude", selon lui, "serait de faire comme si elle allait arriver et de s'y préparer au mieux, en faisant tout pour retarder le plus possible l'hypothèse d'un nouveau confinement."
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