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Coronavirus : pourquoi les écoles et les crèches pourraient rouvrir dès le 11 mai ?

Emmanuel Macron a annoncé, lundi soir, la réouverture progressive des établissements scolaires et des crèches à partir du lundi 11 mai. Un choix vivement critiqué par les enseignants.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Une école fermée pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, à Lille (Nord), le 9 avril 2020. (PASCAL BONNIERE / MAXPPP)

Faut-il rouvrir les écoles ? La France, comme d'autres pays touchés par l'épidémie de coronavirus, s'oriente dans cette voie. Emmanuel Macron a annoncé la réouverture "progressive" des écoles et des crèches à partir du 11 mai, dans une allocution, lundi 13 avril. Pour l'heure, les modalités restent floues. Elles devront être clarifiées dans les quinze prochains jours, a expliqué le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, sur France 2 et franceinfo.

La décision est cependant loin de faire l'unanimité. Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France, y voit un "risque inutile" et regrette un choix "prématuré", auprès de franceinfo. Même inquiétude du côté des syndicats de l'enseignement. "C'est tout sauf sérieux de rouvrir les écoles [...], il y a un manque de précautions", s'alarme Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, interrogée par l'AFP. Face à ces craintes, quels sont les arguments avancés pour justifier la réouverture des écoles ?

Pour éviter le décrochage scolaire

C'est la principale justification apportée par Emmanuel Macron dans son allocution. "Trop d'enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d'école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents", a déploré le président de la République.

Depuis la fermeture des écoles le 16 mars, quelque 12,5 millions d'élèves et 2,6 millions d'étudiants suivent les cours à distance. Mais dans les faits, les enseignants ont perdu le contact avec "5 à 8% des élèves", estime Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l'Education juge que la fermeture des écoles contribue à "creuse[r] les inégalités" entre les familles qui ont la possibilité de faire la classe à la maison et les autres. Une crainte partagée sur le terrain. A Yerres (Essonne), Olivier Beaufrere, proviseur, s'inquiétait dans La Croix de "voir une partie des élèves – dont beaucoup présentent déjà des difficultés scolaires ou des problèmes d'absentéisme – décrocher complètement". Dans cette optique, Jean-Michel Blanquer a déclaré mardi au micro de franceinfo que la réouverture des classes concernerait d'abord "les publics les plus fragiles" pour permettre une "resocialisation".

En Allemagne, où la plupart des élèves n'ont plus cours depuis le 16 mars, le risque de décrochage scolaire est également avancé par l'Académie nationale des sciences Leopoldina. Les scientifiques recommandent une réouverture des écoles "aussi vite que possible" pour empêcher l'aggravation des "inégalités sociales", dans un avis rendu lundi (PDF en allemand). Ils préconisent de rouvrir d'abord les écoles primaires et les collèges, où l'enseignement à distance est plus difficilement adapté que pour les lycéens et les étudiants du supérieur. En revanche, les crèches resteraient d'abord fermées, au vu de l'incapacité pour les plus petits à respecter les gestes barrières. 

De son côté, Jean-Michel Blanquer concède la difficulté de faire respecter les gestes barrières auprès des populations les plus jeunes. Le ministre de l'Education martèle que la réouverture sera "progressive", esquissant la possibilité de mettre en œuvre des "petits groupes" de travail. "Il est hors de question d'avoir des classes bondées dans la situation actuelle, ça c'est une certitude", ajoute-t-il.

Retour à l’école : « Tout le monde ne rentrera pas au même moment », affirme Jean-Michel Blanquer
Retour à l’école : « Tout le monde ne rentrera pas au même moment », affirme Jean-Michel Blanquer Retour à l’école : « Tout le monde ne rentrera pas au même moment », affirme Jean-Michel Blanquer (France 2)

Pour relancer la machine économique

Dans son discours, Emmanuel Macron a conditionné la reprise de l'activité économique à la réouverture des écoles. "Le 11 mai, il s'agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services", a lancé le chef de l'Etat. L'épidémie de coronavirus plonge la France dans une situation économique historique. Le gouvernement français prévoit un recul de 8% du produit intérieur brut en France en 2020, a annoncé mardi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, tandis que le déficit et la dette se creuseront encore plus qu'anticipé. "Chaque jour, chaque semaine de confinement [...] fait effectivement aggraver les finances publiques", a affirmé Gérald Darmanin, ministre de l'action et des Comptes publics sur franceinfo

Difficile de relancer la machine économique si les parents doivent garder leurs enfants. La réouverture des écoles semble donc être une condition de la reprise économique. Mais les enseignants craignent d'être exposés à des jeunes élèves, possiblement porteurs sains. "C'est tout sauf sérieux de rouvrir les écoles [...] alors que l'on sait que c'est un lieu de haute transmission, de haute contamination, il y a un manque de précautions, ça paraît être en contradiction totale avec le reste", a réagi Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, auprès de l'AFP.

On a l'impression d'être sacrifiés sur l'autel de l'économie.

Francette Popineau

à l'AFP

Des échanges se tiendront dès mardi entre l'Education nationale et les syndicats enseignants pour préciser les modalités des réouvertures des classes, rapporte Le Monde. "Le dispositif pourrait imiter ce qui est déjà en place pour les enfants de soignants. Un accueil partiel, par petits groupes et réservé aux plus jeunes, pour permettre aux parents d'aller travailler", anticipe Florence Delannoy, membre du syndicat SNPDEN-UNSA (majoritaire chez les chefs d’établissement), auprès du quotidien du soir.

Outre-Rhin, les considérations économiques sont également évoquées par l'Académie nationale des sciences d'Allemagne. Dans son avis, elle considère que "même si la pandémie continuera de façonner notre vie économique et sociale pendant les mois à venir, il est nécessaire de mettre au point des critères et des stratégies pour un retour progressif à la normale".  

Pour tenter de constituer une immunité collective

En l'absence de vaccin, il faudra s'assurer que la population a développé une immunité de groupe, seul moyen pour que l'épidémie disparaisse complètement. La réouverture des écoles pourrait être un moyen d'y parvenir. Si cette justification n'a pas été mise en avant par les autorités françaises, d'autres régions du monde l'ont évoquée. C'est le cas au Québec, où le Premier ministre François Legault s'est exprimé vendredi en faveur d'une réouverture des écoles d'ici le 4 mai, lors d'une conférence de presse commune avec le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda. Ce dernier estime que cela permettrait que les jeunes, considérés comme étant moins vulnérables, participent à l'immunisation de la population. 

Plus les enfants vont être immunisés par la maladie [...], moins ils vont devenir des vecteurs actifs pour les personnes plus âgées.

Horacio Arruda

dans une conférence de presse

"Il faut comprendre que les jeunes qui pourraient attraper la maladie, avec presque aucun symptôme, c'est comme si on les vaccinait. C'est la vaccination naturelle qui va s'installer", a-t-il illustré. Des propos qui ont déclenché un tollé auprès d'une partie de la population, qui craint que les enfants contaminent les personnes les plus fragiles de leur foyer. Une pétition a également été lancée, vendredi, par les enseignants, qui s'inquiètent de contracter le virus au contact des enfants. En quatre jours, elle a récolté plus de 180 000 signatures. Une gronde qui a obligé le Premier ministre à faire machine arrière, quelques heures après sa déclaration. "Je ne donnerai pas le 'OK' pour ouvrir les écoles tant que je n’aurai pas le 'OK' de la santé publique et tant que je ne serai pas prêt à y envoyer mes propres enfants", a-t-il assuré.

En Australie, trois chercheurs ont également exploré cette piste controversée, qui "pourrait être la clé de la levée du confinement", écrivent-ils dans The Conversation (en anglais). Cette "option devrait être contrôlée avec prudence pour s'assurer que le virus ne se propage pas parmi les personnes âgées et vulnérables", mettent cependant en garde les scientifiques. Pour l'heure, il ne peut s'agir que d'une hypothèse, car il est indispensable de mieux comprendre les risques pour les plus jeunes, ainsi que la durée de l'immunité, avancent par ailleurs les chercheurs.

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