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Covid-19 : cinq questions sur les traitements à base d’anticorps monoclonaux

En complément du plan de vaccination, ces traitements développés notamment aux Etats-Unis devraient être disponibles courant 2021 en Europe. Donald Trump fut un des premiers à en bénéficier, début octobre.

Article rédigé par franceinfo, Charlotte Causit
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Dans un laboratoire de Garin, à Buenos Aires (Argentine), une scientifique travaille sur le développement d'anticorps monoclonaux contre le Covid-19, le 14 août 2020.  (JUAN MABROMATA / AFP)

Le premier vaccin contre le Covid-19 sera autorisé "d'ici une semaine" en Europe, annonce Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. En France, les premiers vaccins seront administrés, au mieux, fin décembre. Mais le plan vaccinal européen et français ne permettra pas de vacciner d'une traite toutes les personnes présentant des risques de développer une forme grave du Covid-19, maladie qui a fait à ce jour plus de 1,6 million de morts dans le monde, selon le décompte de l'université Johns-Hopkins.

Pour limiter les hospitalisations et les morts liées à la pandémie, de nouveaux traitements pourraient venir en renfort. "Un nouveau médicament à base d'anticorps monoclonaux pourrait aussi être validé" début 2021, avance Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, dans une interview accordée au Parisien. En quoi consiste ce traitement ? Comment fonctionne-t-il et pourra-t-il suppléer les vaccins manquants ? Éléments de réponse.

1Comment ça marche ? 

Le principe consiste à "isoler les anticorps des patients qui ont eu le Covid" afin "de les reproduire en grande quantité en labo et de les injecter à titre préventif", résume Jean-François Delfraissy. Des laboratoires reproduisent artificiellement les anticorps monoclonaux développés naturellement pour neutraliser le Sars-CoV-2 par le système immunitaire des personnes convalescentes. Ces anticorps clonés sont ensuite administrés aux patients nouvellement infectés pour limiter la réplication du virus.

Ces anticorps ne permettent pas de tuer le virus, mais de limiter sa progression dans l'organisme : ils se fixent sur la protéine spike (ou protéine S) présente à la surface de la particule virale et empêchent ainsi le virus d'infecter de nouvelles cellules. En les administrant à une personne récemment infectée, ils permettent de déclencher cette défense immunitaire, avant même que l'organisme infecté n'ait eu le temps de le faire.

Leur administration se réalise en une seule injection par voie intraveineuse. Mais cette injection peut prendre plus de deux heures et est réalisée à l'hôpital, détaille la radio nationale américaine NPR (en anglais). 

2Est-ce une technologie nouvelle ? 

Si les anticorps clonés sont spécifiques au Sars-CoV-2, la technologie n'est pas inédite. L’utilisation thérapeutique d'anticorps est déjà utilisée dans le traitement de maladies inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn ou encore en cancérologie. "Les anticorps thérapeutiques monoclonaux représentent actuellement la majorité des médicaments innovants", note l'Académie nationale de médecine sur son site.

3Est-ce efficace contre le Covid-19 ? 

La capacité de ces anticorps clonés à bloquer la prolifération du Sars-CoV-2 a été observée par plusieurs laboratoires. Puis elle a été testée chez des patients récemment infectés lors d'essais cliniques réalisés selon les standards scientifiques en vigueur (en "double aveugle" et "contre placebo"). 

Dans le cas du Bamlanivimab, un traitement à anticorps monoclonaux développé par le laboratoire américain Eli Lilly, l'injection a été réalisée au maximum trois jours après qu'un patient a été testé positif au Covid-19. L'étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue médicale New England Journal of Medicine (article en anglais) montre une baisse de la charge virale et une diminution du risque d’hospitalisation pour les patients âgés ou présentant des comorbidités.

Pour être efficaces, les anticorps doivent être administrés dans la première phase de la maladie (dans les premiers jours, donc) pour pouvoir endiguer la transmission du virus. Les données des essais sont pour l'instant limitées, mais laissent à penser que les traitements à anticorps monoclonaux permettent de limiter le risque d'hospitalisation pour les personnes dites à risque et prises en charge à temps. L'un de ces médicaments, élaboré par la société américaine Regeneron, a été administré à Donald Trump début octobre. Il a peut-être joué un rôle dans sa guérison rapide, mais n'a pas permis d'éviter l'hospitalisation du président américain.

4Quelles sont les limites du traitement ?

Les premiers résultats du traitement ne constituent pas une preuve formelle de son efficacité, par ailleurs observée seulement chez les patients pris en charge assez tôt dans le développement de la maladie. Le Bamlanivimab doit ainsi être administré dans les 10 jours qui suivent l'apparition des symptômes cliniques, informent les instances de santé américaines

La prise du traitement doit être réalisée très tôt, chez des patients récemment infectés et présentant des symptômes faibles ou modérés de la maladie. Et surtout, elle doit s'effectuer à l'hôpital. Les patients qui reçoivent le traitement doivent rester quelques heures en observation. Il faut donc dépister les patients dits à risque et organiser leur venue dans les hôpitaux, déjà surchargés, alors même qu'ils sont contagieux.

Autant de difficultés qui menacent la diffusion de ce type de traitement, souligne la NPRqui propose des aménagements : les injections pourraient être réalisées dans des espaces dédiés dans les centres hospitaliers ou bien être effectués à domicile par des soignants. Par ailleurs, les anticorps de synthèse sont difficiles et coûteux à développer, ce qui pourrait constituer un obstacle à leur développement.

5Est-il déjà disponible pour les malades ?

Aux Etats-Unis, deux traitements à base d'anticorps monoclonaux des sociétés pharmaceutiques Regeneron et Eli Lilly ont été autorisés en novembre par l'agence du médicament américain, la Food and Drug Administration (FDA). Ils ont obtenu une "autorisation pour une utilisation en urgence" et peuvent être administrés aux personnes âgées de 12 ans et plus, pesant au moins 40 kg, ayant été récemment infectées par le virus, n'étant pas hospitalisées et présentant des risques de développer des formes sévères de la maladie, détaille l'agence (en anglais). Les personnes âgées de plus de 65 ans ou celles présentant des maladies chroniques sont concernées, précise-t-elle.

Des centaines de milliers de doses ont été précommandées par les autorités américaines, permettant aux hôpitaux du pays de procéder aux premières injections dès début décembre, rapporte la chaîne américaine WWSB (en anglais). Mais l'opération ne rencontre pas le succès attendu : seules 5 à 20% des doses disponibles sont utilisées chaque semaine, a admis Moncef Slaoui, copilote du plan de vaccination américain, au micro de CNN (en anglais). 

Le Bamlanivimab a également été autorisé au Canada fin novembre et pourrait être autorisé en Europe. L'agence européenne du médicament (EMA) évalue les résultats obtenus par ces traitements innovants et fournit des directives aux sociétés qui les développent. Leur efficacité continue d'être évaluée : le traitement de Regeneron est ainsi testé dans le cadre de l'essai clinique Recovery.

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