Covid-19 : dans les Alpes-Maritimes, "les prémices de la troisième vague sont déjà là"
Le maire de Nice, Christian Estrosi, souhaite que la campagne de vaccination débute "tout de suite" dans son département, confronté à un rebond de l'épidémie.
Le maire LR de Nice (Alpes-Maritimes), Christian Estrosi, n'a pas caché son inquiétude, lundi 28 décembre, face à la situation de son département, confronté à une recrudescence de l'épidémie de Covid-19. Il souhaite en effet que la campagne de vaccination "commence tout de suite et pas dans huit jours".
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait déjà donné le ton la veille, dans un entretien au Journal du dimanche, dans lequel il décrivait une situation préoccupante dans "la région Grand Est, la Bourgogne Franche-Comté et le département des Alpes-Maritimes, à commencer par Nice". Le taux d'incidence est effectivement élevé dans ce département de la côte méditerranéenne : il était de 267 pour 100 000 habitants, selon le dernier point de situation de l'ARS du 24 décembre, soit près du double de la moyenne nationale.
"Le système n'est pas débordé mais il est très chargé"
Yves Servant, directeur de l'hôpital de Cannes, confirme que "le département des Alpes-Maritimes se caractérise par un taux de pression épidémique supérieur à la moyenne nationale et même à la moyenne régionale". Pour autant, "il n'y a pas d'afflux massif de patients, que ce soit sur le nombre d'hospitalisations en médecine générale ou en réanimation", explique-t-il à franceinfo. Ce constat est partagé par Bastien Ripert-Teilhard, directeur du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins : "On a une désescalade moins rapide que dans les autres départements, avec un effet plateau depuis début décembre. Mais je n'observe pas d'évolution des hospitalisations. La semaine dernière, on avait 19 hospitalisations liées aux Covid : ça correspond à ce qu'on avait sur une semaine avant le 26 octobre. On n'est pas débordés mais ça reste à un niveau élevé pour nous."
Le rythme reste donc très soutenu pour les équipes soignantes, comme à l'hôpital de Grasse, qui accueillait, lundi 28 décembre, 13 patients Covid, dont cinq en réanimation. "Cela ne paraît pas énorme dit comme ça, mais cela signifie que cinq de nos huit lits de réa sont occupés par des patients Covid, c'est énorme proportionnellement", assure Walid Ben Brahim, le directeur de l'hôpital. "Le système n'est pas débordé mais il est très chargé", résume le professeur Michel Carles, chef du service infectiologie au CHU de Nice.
"L'unité Covid d'hospitalisation conventionnelle est saturée à plus de 80% et on a actuellement une vingtaine de patients en réa."
Le professeur Michel Carlesà franceinfo
Pour Walid Ben Brahim, "les prémices de la troisième vague sont déjà là. On voit que le virus circule beaucoup dans notre personnel, avec une augmentation des arrêts de travail pour cause de Covid depuis une dizaine de jours. Ça, c'est vraiment un signal pour nous."
D'importants mouvements de personnes
Les causes de cette forte circulation du virus sont diverses. "On observe une multiplication du nombre de clusters dans les Ehpad, qui se sont répercutés sur les centres hospitaliers de Nice, Menton et sur notre propre hôpital", assure Yves Servant. Christian Estrosi a lui-même reconnu lors de sa conférence de presse que la hausse du taux d'incidence était en partie liée aux dépistages massifs organisés dans le département, qui est aussi celui qui compte le plus d'Ehpad, relève France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Autre phénomène propre à la région niçoise : "Il y a énormément de mouvements de personnes entre Nice et Monaco, qui n'applique pas les mêmes mesures sanitaires que chez nous : il n'y a aucune fermeture de restaurants ni d'hôtels", note Michel Carles.
"Il y a aussi des échanges avec l'Italie, et l'aéroport de Nice est le deuxième de France : on a reçu beaucoup de vacanciers pendant les fêtes avec un niveau de contrôle de ces mouvements probablement imparfait."
Le professeur Michel Carlesà franceinfo
Sur ce point, Christian Estrosi a indiqué lundi qu'il allait demander à Olivier Véran un certain nombre de mesures, comme la réciprocité de la quarantaine entre la France et l'Italie, la limitation des déplacements entre les Alpes-Maritimes et la principauté de Monaco et la systématisation des tests PCR pour les voyageurs débarquant à l'aéroport de Nice.
Autre facteur susceptible d'avoir favorisé la circulation du virus : le rafraîchissement des températures. "Il a fait très bon avant le 15 décembre mais il fait assez froid depuis une dizaine de jours. Les gens sont moins dehors, on aère moins. C'est sans doute un phénomène à ne pas négliger", avance Walid Ben Brahim.
"Il faut aussi voir que les personnes se sont très fortement dépistées avant les fêtes, en particulier les plus jeunes, parmi lesquels figurent des asymptomatiques qui n'auraient pas été dépistés d'habitude, précise Michel Carles, ce qui fait mécaniquement augmenter les chiffres." Pour l'infectiologue, "l'interrogation à ce jour c'est : est-ce que cette augmentation du nombre de cas détectés va être exactement proportionnelle à l'augmentation des nouvelles hospitalisations ? Si les personnes détectées positives sont plus jeunes, cela veut dire qu'elles sont globalement en bonne santé, donc peut-être qu'il y aura une augmentation des hospitalisations moindre que si c'étaient des personnes fragiles, ayant des comorbidités", avance-t-il. Pour Bastien Ripert-Teilhard, directeur du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins, "on y verra plus clair autour du 15 janvier, soit dix jours après la fin des vacances".
Le vaccin, "c'est l'arme ultime pour nous"
Tous sont unanimes : la sortie de crise ne pourra se faire sans une vaccination massive de la population. "Avec les médecins, on se projette beaucoup sur la vaccination : c'est notre porte de sortie, notre coin de ciel bleu", assure Walid Ben Brahim. "Cet outil va apporter des solutions à une situation inextricable. On voit que l'on s'améliore sur la prise en charge de la maladie : notre taux de décès est passé de 19% à 14% entre la première et la deuxième vague. Cela s'est fait grâce aux corticothérapies, au fait de moins intuber aussi. La vaccination va venir étoffer cet arsenal : c'est l'arme ultime pour nous", se réjouit Bastien Ripert-Teilhard.
Mais du côté des soignants, les directeurs d'hôpitaux se heurtent à quelques réticences. "Pour le vaccin contre la grippe, on a quatre soignants sur dix qui se vaccinent habituellement. Ce n'est pas énorme. On ne sait pas ce que ça donnera pour le Covid, mais on travaille à ce que le taux de vaccination de notre personnel soit le plus haut possible", insiste Walid Ben Brahim, à l'hôpital de Grasse. "On a un double enjeu : se protéger soi-même mais aussi protéger les patients. Je pense que ces deux enjeux vont permettre d'avoir une meilleure adhésion à ce vaccin chez nos soignants", veut croire Bastien Ripert-Teilhard.
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