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Covid-19 : "Il faut vraiment qu'on change nos comportements" pour éviter de nouvelles pandémies, alerte le professeur de biologie Gilles Bœuf

"Si jamais on continue de ne pas faire attention à cette promiscuité des êtres vivants, sauvages, domestiques ou humains, on prendra une autre pandémie qui peut tuer les jeunes", alerte sur franceinfo le professeur de biologie et de biodiversité.

Article rédigé par franceinfo
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Un agent de sécurité se tient à l'extérieur du marché de Wuhan (Chine), le 24 janvier 2020. (HECTOR RETAMAL / AFP)

"Il faut vraiment qu'on change nos comportements", a affirmé lundi 29 mars sur franceinfo Gilles Bœuf, professeur de biologie et de biodiversité à la Sorbonne, ancien président du Museum national d'histoire naturelle, alors que les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) privilégient l'hypothèse d'une transmission du Covid-19 à l'être humain par l'intermédiaire d'un animal infecté par une chauve-souris.

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L'étude conjointe des experts de l'OMS et chinois a conclu que la transmission à l'homme par un animal intermédiaire est une hypothèse "probable à très probable", tandis qu'un incident de laboratoire reste "extrêmement improbable". Selon Gilles Bœuf, la responsabilité du développement de coronavirus est "clairement" à chercher "du côté humain". Et si "on continue ces comportements-là", le professeur estime qu'on "prendra une autre pandémie."

franceinfo : Cette contamination par un animal intermédiaire est-elle l'hypothèse la plus crédible selon vous ?

Gilles Bœuf : Dans les séquençages que nous avons faits au Muséum national d'histoire naturelle, on n'a aucun élément nous faisant croire qu'il a pu y avoir une manipulation. Le virus a pu être cultivé quelque part, ce n'est pas improbable. Ces coronavirus sont des virus de chauves-souris. Le virus n'a pas été inventé. On en a trouvé 400 chez les chauves-souris chinoises, alors pourquoi irait-on en inventer ? Il s'est passé quelque chose durant l'année 2019, d'où le nom de Covid-19, qui a fait qu'un virus de chauve-souris a changé, a muté, et est devenu infectieux pour l'humain. On avait imaginé le pangolin. On y croit moins maintenant. On a parlé des visons.

Le problème vient d'aller capturer des animaux sauvages, en l'occurrence des chauves-souris, de les ramener sur des endroits où vous avez des humains en promiscuité et aussi beaucoup d'animaux domestiques. Ce qu'on appelle des zoonoses, ce sont des passages d'un pathogènes, virus ou bactéries, d'un animal sauvage à un animal domestique, puis ensuite aux humains. Et toute l'histoire de l'humanité est là. Vous avez de grands fragments du génome humain qui sont des génomes du virus. Depuis 50 000 ans, l'humain vit en relation avec ces pathogènes. Et là, il s'est passé quelque chose d'un changement d'hôte de la chauve-souris vers un autre animal qui n'est pas encore bien identifié.

La responsabilité du développement de ces virus est-elle à chercher du côté animal ou du côté humain, c'est-à-dire de notre comportement à nous par rapport au monde vivant ?

Clairement, du côté humain. C'est le fait d'aller chercher dans des endroits reculés des espèces sauvages pour les ramener vivants et de mélanger ces animaux dans des cages dans des conditions épouvantables, sur les marchés ou ailleurs. Cela amène à ces problèmes particuliers. Ce n'est pas le premier, ce n'est pas le dernier.

Si nos comportements ne changent pas, connaîtra-t-on inexorablement d'autres pandémies ?

Absolument. Tout ceci était tout à fait prévisible. Cela fait 20 ans que l'on crie partout qu'on va se prendre des pandémies de ce style-là si on ne fait pas plus attention dans la maltraitance du vivant, de la biodiversité, de ces animaux. Si jamais on continue ces comportements-là, de ne pas faire attention à cette promiscuité des êtres vivants, sauvages, domestiques ou humains, on prendra une autre pandémie qui peut tuer les jeunes, mais pas les vieux. C'est vraiment quelque chose de très sérieux et arrêtons de prendre cela comme venant d'écolos farfelus qui disent, faites attention à l'environnement. Il faut vraiment qu'on change nos comportements. C'est très important.

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