Pénurie de masques : la commission d'enquête du Sénat pointe la responsabilité de Jérôme Salomon
Les sénateurs révèlent par ailleurs que la direction générale de la santé a fait "modifier un rapport scientifique a posteriori pour justifier sa décision".
La commission d'enquête du Sénat sur la crise du Covid-19 pointe la responsabilité du directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon, dans la pénurie de masques dont a souffert la France au début de l'épidémie, selon son rapport rendu public jeudi 10 décembre, lors d'une conférence de presse.
En octobre 2018, François Bourdillon, alors patron de l'agence Santé publique France (SPF), informe Jérôme Salomon que "613 millions de masques chirurgicaux sans date de péremption acquis au mitan des années 2000 sont non conformes et ne peuvent en conséquence être utilisés", décrit le rapport. "En outre, il lui est indiqué que le stock se compose désormais de 99 millions de masques chirurgicaux, dont 63 millions périment fin 2019". "Informé de la situation des stocks en 2018, le DGS a pourtant choisi de ne pas les reconstituer, sans en informer la ministre" de la Santé, qui est alors Agnès Buzyn, dénonce le rapport.
Selon la commission d'enquête, Jérôme Salomon a "ordonné l'achat de seulement 50 millions de masques (...) soit moins que la quantité nécessaire ne serait-ce que pour renouveler ceux arrivant à péremption fin 2019". En conséquence, "alors qu'il s'établissait à 754 millions d'unités fin 2017, le stock stratégique de masques chirurgicaux n'en contenait plus que 100 millions fin 2019", écrivent les sénateurs, qui ont mené de nombreuses auditions ces derniers mois.
Un rapport scientifique modifié pour justifier une décision politique
Par ailleurs, les sénateurs révèlent que la DGS a fait "modifier un rapport scientifique a posteriori pour justifier sa décision" sur le non-renouvellement du stock de masques. Un échange de mails entre le directeur général de la santé et l'ancien directeur de Santé publique France, François Bourdillon, consulté par les sénateurs, montre qu'un avis de Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU de Grenoble, a été modifié avant sa publication au grand public pour ne pas constituer "un désaveu de la décision du DGS d'octobre 2018", estiment les sénateurs.
L'expert confirmait, en août 2018, dans un avis transmis à SPF puis dans un courrier au DGS, "la pertinence d'un stock élevé, probablement d’environ un milliard de masques chirurgicaux", soulignent les sénateurs. Or, "l'analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d’une pression directe de M. Salomon sur l'agence afin qu'elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport avant sa publication au grand public" pour remplacer le mot "stock" par le mot "besoin", dit le rapport sénatorial.
Or, "l'argument selon lequel le rapport Stahl ne parle pas de stock mais uniquement d’un besoin (qui pourrait donc être satisfait par d’autres moyens qu’un stock dormant important) a précisément été celui répété par M. Salomon et Mme Buzyn pour justifier l’inutilité de constituer un tel stock et la pertinence de n’avoir commandé que si peu de masques en octobre 2018", constatent les sénateurs.
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