Covid-19: la dette française pour soutenir l'économie est "assez soutenable" mais "l'argent n'est pas gratuit", estime la cheffe économiste de l'OCDE
La crise sanitaire due au Covid-19 se prolonge et la dette publique se creuse pour y faire face. Pour autant, ces dépenses ne sont pas inquiétantes, selon la cheffe économiste de l'OCDE. D'abord parce que tout n'est pas dépensé et puis parce que les taux d'intérêt ont été fortement baissé par la BCE.
Le couvre-feu annoncé dans toute l'Île-de-France et huit autres métropoles en France va entraîner un milliard d'euros de dépenses supplémentaires pour l'État pour soutenir l'économie. Cette somme vient s'ajouter aux 470 milliards d'euros mis sur la table depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, qui représentent 20% de la richesse nationale et qui creusent la dette française.
Pour autant ces dépenses n'inquiètent pas Laurence Boone, cheffe économiste de l'OCDE, qui les juge "assez soutenables" sur le long terme. "On peut continuer avec cette dette, mais ce qu'il faut avoir en tête, c'est que l'argent n'est pas gratuit", a-t-elle rappelé. Cette dette repose sur des investisseurs qui en général, sont les gens qui gèrent les livrets d'épargne des ménages ou des fonds de retraite.
franceinfo : Comment réussit-on à financer ces milliards d'aides ?
Laurence Boone : D'abord, il faut avoir en tête que l'intégralité de ces 470 milliards n'a pas été dépensée pour l'instant. Une grosse partie de cette somme, ce sont des prêts qui sont accordés par les banques aux entreprises et que l'État garantit à hauteur de 90 ou 95%.
Sur ces 470 milliards, il y en a plus de 300 qui sont des garanties qui seraient donc tirées le jour où une de ces entreprises fera faillite. La plupart de cet argent, ce sont des annonces. Ce n'est pas de l'argent effectivement dépensé.
Laurence Boone, cheffe économiste de l'OCDEà franceinfo
L'autre grosse partie, ce sont les mesures de chômage partiel : elles dépendent aussi des fluctuations de l'activité économique. Donc, là où on va devoir fermer les bars et les restaurants plus tôt, on va devoir en utiliser plus. Mais si on rouvre tout dans quatre semaines, à ce moment-là, les sommes ne seront pas tirées en intégralité non plus.
La dette de la France est-elle soutenable ? Et si oui, à quel terme ?
Il y a une chose qui est importante à avoir en tête, c'est que les taux d'intérêts, ce que coûte cette dette, sont à l'heure actuelle très, très bas. La Banque centrale européenne a fait baisser les taux, rachète aussi de la dette d'État et donc ça permet à la fois aux pays, aux ménages et aux entreprises de s'endetter à très, très bas taux. Sur le long terme, ça veut dire que c'est assez soutenable. On peut continuer avec cette dette, mais ce qu'il faut avoir en tête, c'est que l'argent n'est pas gratuit. Et les investisseurs en général, ce sont les gens qui gèrent les livrets d'épargne des ménages ou des fonds de retraite. Cette épargne ne va pas être beaucoup rémunérée non plus, ce qui peut peser sur le futur si l'épargne des gens qui peuvent en avoir besoin pour leur retraite baisse. D'une certaine façon, on est en fait déjà en train de contribuer à payer cette dette et à soutenir l'économie.
Le gouvernement promet de ne pas augmenter les impôts en contrepartie du plan de relance. Est-ce qu'à terme, il va y avoir un retour de bâton ?
Je crois que c'est bien dans la période actuelle de se dire qu'on donne de la visibilité aux entreprises et aux ménages en disant que l'État sera là et qu'il soutiendra. On ne va pas répéter les mêmes erreurs qu'en 2010. On ne va pas resserrer tout de suite. On a besoin de l'État en 2021, c'est sûr. Maintenant, il faut que ce soit ciblé pour les raisons qu'on vient d'évoquer, puisqu'on est tous en train de contribuer à payer cette dette et ensuite. Les hausses d'impôts ou la façon dont on va réformer les dépenses, ça va effectivement être important. Je crois que ce qui doit être le fil conducteur, c'est de diriger l'argent là où sont les priorités des Français et de la France. Aujourd'hui, c'est effectivement le soutien à l'activité économique sur certains secteurs pour éviter que cette crise économique ne passe d'un nombre restreint de secteurs à l'ensemble de l'économie française. Et demain, ça sera de repenser les priorités. Et là, j'ai évidemment en tête la santé et la préparation à de telles épidémies, mais aussi l'éducation, puisqu'on a vu qu'elle a beaucoup souffert dans cette crise.
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