Covid-19 : quatre signes qui montrent que des reconfinements locaux se rapprochent en France
Jean Castex a averti que si l'épidémie n'était pas maîtrisée, le gouvernement devrait envisager "des mesures beaucoup plus dures".
"Le mois de novembre sera éprouvant" et "le nombre de morts va continuer d'augmenter", a mis en garde le Premier ministre, Jean Castex, jeudi 22 octobre, en annonçant le passage en couvre-feu de 38 nouveaux départements et de la Polynésie. Au total, 54 départements et 46 millions d'habitants sont désormais soumis à un couvre-feu nocturne.
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Dans ce contexte, le Premier ministre a averti que si l'épidémie n'était pas jugulée, le gouvernement devrait "envisager des mesures beaucoup plus dures", alors que plusieurs pays ou régions d'Europe, comme l'Irlande et le pays de Galles, viennent de décider des reconfinements locaux face à la deuxième vague. "Il est encore temps de l'éviter, mais il ne nous reste plus beaucoup de temps", a-t-il ajouté. Interrogé sur ce sujet vendredi soir après sa visite au centre hospitalier de Pontoise, Emmanuel Macron a rappelé qu'un renforcement des mesures déjà en vigueur était envisageable "au moins jusqu'à début décembre". Le chef de l'Etat a ensuite précisé : "Il est encore trop tôt pour dire si on va vers des reconfinements locaux ou plus larges". Franceinfo fait le point.
Des indicateurs en forte augmentation
Au niveau national, le nombre de personnes atteintes du Covid-19 s'établit sur les sept derniers jours à 251 pour 100 000 personnes, "c'est-à-dire une progression de 40% en une semaine", a rappelé le chef du gouvernement, jeudi. Le taux de reproduction du virus se situe autour de 1,35, "ce qui concrètement signifie un doublement du nombre de cas en 15 jours", a-t-il précisé. Le taux d'incidence est notamment en hausse à Clermont-Ferrand (322), Tours (237) ou Nantes (194).
Dans son dernier bulletin hebdomadaire, le 22 octobre, Santé publique France (SPF) pointe une forte augmentation de l'ensemble des indicateurs, notamment des hospitalisations, admissions en réanimation et décès. L'agence comptabilise 12 458 personnes hospitalisées au 20 octobre et 2 177 personnes en réanimation. Chez les 65 ans et plus, on dénombre six fois plus de cas qu'au début du mois de septembre, et cinq fois plus d'hospitalisations et d'admissions en réanimation. "65% des personnes admises en réanimation sont âgées de 65 ans et plus, et 90% ont des comorbidités", précise SPF.
Par ailleurs, le nombre de cas dans les établissements médico-sociaux est également en hausse, 89 départements sont en niveau de vulnérabilité élevé et huit sont en niveau de vulnérabilité modéré. Pour rappel, le niveau de vulnérabilité traduit la circulation virale et l'impact sur la santé de la population d'un département, explique Santé publique France.
Des reconfinements localisés en Europe
Plusieurs pays européens ont déjà mis en place des reconfinements localisés. La capitale irlandaise, Dublin, a connu jeudi son premier jour de reconfinement. Les commerces non essentiels ont fermé pour six semaines et les Irlandais sont assignés à résidence, à quelques exceptions près, comme faire de l'exercice dans un rayon de cinq kilomètres de son domicile ou exercer un emploi jugé essentiel. Les écoles, elles, restent ouvertes. En République tchèque, le gouvernement a mis en place un confinement partiel avec des restrictions de déplacements ainsi que la fermeture de magasins et de services. Le pays de Galles entame de son côté un reconfinement à partir de ce vendredi et pour quinze jours.
La situation continue aussi de s'aggraver en Espagne, devenue le premier membre de l'UE à franchir le cap du million de cas de Covid-19. La courbe de progression du virus dans ce pays peut d'ailleurs donner quelques indications pour la France. Comme l'indique notre graphique, l'Espagne a connu un pic de contaminations environ vingt jours avant la France. Au 23 octobre, cela fait 67 jours que l'Espagne a dépassé le seuil des 100 cas quotidiens pour 1 million de personnes, et cela fait 47 jours pour la France. La courbe de l'Espagne montre que la propagation du virus semble avoir été un temps contenue avant de repartir à la hausse. Comme en France, le gouvernement espagnol a imposé de nouvelles restrictions, avec le bouclage partiel d'une dizaine de nouvelles villes et régions. A ce jour, les contaminations continuent d'augmenter.
Des experts favorables à un reconfinement
Face à l'évolution de l'épidémie, plusieurs spécialistes estiment que le confinement reste la seule solution efficace. "La problématique du couvre-feu devient presque désuète. Aujourd'hui, il faut aller jusqu'à des scénarios de reconfinement", a par exemple estimé l'épidémiologiste Martin Blachier mercredi sur franceinfo. "Il y a une telle accélération [de l'épidémie] (...) On aura des taux d'occupation très importants dans les services de réanimation, y compris dans l'hospitalisation conventionnelle", assure-t-il. Il évoque ainsi le scénario d'un reconfinement court.
"On a fait plusieurs scénarios de reconfinement. Il s'avère que deux semaines de reconfinement seraient efficaces pendant quatre ou six semaines."
Martin Blachier, épidémiologisteà franceinfo
L'épidémiologiste évoque aussi la possibilité d'un reconfinement ciblé et qui ne concernerait que les personnes considérées comme vulnérables. "On a aussi étudié un scénario de reconfinement de la population âgée, comme on l'a déjà évoqué en mars-avril. Un reconfinement de deux semaines de la population vulnérable s'avère aussi efficace en termes de réanimation et de mortalité qu'un confinement général", explique-t-il.
Dominique Costagliola, épidémiologiste à l'Institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique, a également fait part de son inquiétude. "Le couvre-feu peut être efficace [pour limiter les cas contacts] mais la situation est si grave que je ne sais pas si cela suffira", tranche-t-elle sur BFMTV. "Notre seule ressource pour diminuer les contacts, c'est le confinement. Je ne vois pas ce qui nous reste d'autre." Fin septembre, dans une tribune au Monde, les prix Nobel d'économie Esther Duflo et Abhijit Banerjee plaidaient déjà pour un confinement préventif début décembre pour "sauver Noël".
Quoi qu'il en soit, il faudra attendre quelques jours pour savoir si les couvre-feux ont permis d'améliorer la situation. "On aura la traduction sur la dynamique de l'épidémie au bout de huit à dix jours, a estimé le directeur général de l'Agence régionale de santé Ile-de-France sur France Bleu. C'est en fonction de cet impact sur la courbe des contaminations que des décisions devront être prises." Même ligne au gouvernement. "Voyons d'abord ce que nos mesures produisent comme effet", a prévenu Jean Castex auprès du Journal du dimanche.
Peu de leviers restants hormis un confinement
Le gouvernement a-t-il d'autres moyens d'endiguer l'épidémie ? Comme cela a été le cas en Guyane, un élargissement des horaires de couvre-feu pourrait être décidé. Des soignants de la région Auvergne-Rhône-Alpes se sont prononcés en ce sens en demandant "l'élargissement immédiat des horaires du couvre-feu à partir de 19 heures en semaine et l'instauration d'un confinement les samedis et dimanches", citent Les Echos.
En plus de la fermeture des bars et restaurants, certains estiment que le gouvernement pourrait rendre obligatoire le télétravail. "Certes, des foyers épidémiques émergent des bars et des soirées privées, mais les premiers lieux où ils se forment, c'est l'entreprise, rappelle auprès du Parisien Anne Sénéquier, codirectrice de l'observatoire de la santé mondiale à l'Institut de relations internationales. La spécialiste estime que les horaires décalés pourraient aussi être privilégiés pour étaler l'afflux dans les transports.
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