"Depuis cinq jours, c'est la douche froide" : les soignants redoutent un retour en arrière à l'hôpital public après l'épidémie de coronavirus
Des soignants craignent qu'après la crise sanitaire la situation de l'hôpital public reste inchangée. Ils insistent sur la nécessité de faire passer les besoins des patients avant la logique budgétaire.
L’afflux brutal de malades pendant l’épidémie de coronavirus a forcé les hôpitaux à se réorganiser. Les soignants se sont sentis, soudain, plus écoutés. Même s’ils manquaient de blouses et de masques, ils ont obtenu du matériel et des moyens, adaptés aux besoins des patients.
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Ils se sont pris à espérer un changement durable des pratiques, mais fin avril, les vieilles habitudes ont resurgi. "Depuis cinq jours, on vit d’un seul coup une espèce de douche froide", confie Agnès Hartmann, diabétologue à la Pitié Salpêtrière à Paris.
Des "vieux réflexes"
"Les patients atteints du Covid-19 sont partis de mon bâtiment, et on a de nouveau des tableaux Excel, pousuit la diabétologue. On calcule notre activité sur mars-avril et, comme on n’est pas du tout comme d’habitude, on nous pointe qu’on est en négatif."
C’est quand même incroyable de nous dire que notre activité a diminué sur la période mars-avril.
Agnès Hartmann, diabétologue à la Pitié Salpêtrière à Parisà franceinfo
Pour les soignants, la crise sanitaire a prouvé la légitimité de leurs revendications, et la nécessité de faire passer les besoins des patients avant la logique budgétaire. "On commence à compter les lits vides et on devient à nouveau obsessionnel des plannings, explique Agnès Hartmann. Soit les gestionnaires ont reçu d’autres directives, ce qui serait assez inquiétant, soit ils ont repris leurs vieux réflexes."
Un retour en arrière qui "préoccupe" cette médecin : "Pour les patients atteints du Covid-19, on nous a fait évaluer la charge en soins, le nombre d’infirmières ou d’aides soignantes. Si pour les patients non atteints du coronavirus on ne nous demande pas ça, je trouve que ça pose une vraie question éthique."
Une mobilisation non récompensée
À l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, où tout le monde s’est mobilisé au service des malades, Hélène Gros, médecin infectiologue, redoute, elle aussi, un retour en arrière. "Vous vous battez pendant dix ans pour avoir une psychologue dans un service qui accompagne les malades parce que cela fait partie du soin et de la qualité de la prise en charge des malades", raconte l'infectiologue.
Hélène Gros explique que cette psychologue, qui "ne compte pas ses heures", est venue tous les jours pendant l’épidémie en faisant deux heures de vélo par jour à cause du manque de transports. "Elle soutient tout le monde, c’est-à-dire les équipes ou les malades coupés des familles, décrit Hélène Gros. Et puis finalement, on sort de la crise, ça se calme, et on lui renouvelle un CDD pour un mois et on ne lui dit pas : 'On vous garde'. C’est typique de ce qui va mal à l’hôpital."
Pour ces soignants, plus question de se résigner. Certains se disent prêts à quitter l’hôpital public s’ils ne sont pas écoutés.
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