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"Des tas de corps sont enterrés dans le sable" : le long des rives du Gange en Inde, des cimetières de fortune pour les victimes pauvres du Covid-19

Article rédigé par franceinfo - Côme Bastin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des corps à demi-enterrés sur les bords du Gange en Inde, près de la ville sainte de Varanasi, le 6 juin 2021. (COME BASTIN / RADIO FRANCE)

L’Inde est choquée par les nombreux cadavres à demi-enterrés sur les bords du Gange après la deuxième vague de Covid-19. En particulier dans l’État de l’Uttar Pradesh où de nombreux Indiens viennent traditionnellement brûler leurs morts le long du fleuve sacré. Reportage près de la ville de Varanasi.

Pas loin du crématorium d’un village, une cinquantaine de cadavres se décomposent à même les rives du Gange. Un simple drap coloré les entoure et dépasse du sable. "Au pic de la deuxième vague il y a deux semaines, la situation était terrible dans le coin. Il y a eu beaucoup de morts, les villageois n’avaient accès à aucun médicament et les hôpitaux étaient saturés", raconte Vishal Maurya. Il est le premier à être tombé sur ces corps à moitié inhumés, dans le district d'Unnao, à quelques centaines de kilomètres de Vanarasi, la ville sainte de l’Uttar Pradesh au nord de l’Inde.

"Un jour j’ai décidé de me rendre sur les berges de Rothapur. J’ai alors vu des gens très pauvres enterrer le corps de leurs proches dans le sable", poursuit-il. Du jamais vu pour les hindous qui doivent, selon le rituel, brûler leurs morts. Cette situation est loin d'être isolée. Gopal Pandey, un habitant, se désole du spectacle à Shringverpur, un célèbre ghat [escalier sur les rives d’un fleuve] du Gange. "À gauche sur les berges, vous pouvez voir ceux qui ont assez d’argent pour acheter du bois et brûler leurs proches, décrit-il. À droite, il y a des tas de corps enterrés dans le sable. Il y a plusieurs centaines de cadavres ici !" 

Doutes sur les statistiques officielles

Comment expliquer tous ces oubliés de la pandémie, qui échappent aux tests, aux comptes ? "Avec l’explosion du nombre de morts, les crématoriums ont été débordés. Et le coût des crémations a beaucoup augmenté", explique Charan Singh Verma, chercheur en développement dans la capitale Lucknow. 

"Le prix du bois a par exemple été multiplié par dix récemment à cause de la demande !"

Charan Singh Verma, chercheur en développement

à franceinfo

Les crématoriums débordés et les cadavres du Gange jettent un fort doute sur les statistiques officielles de l’Uttar Pradesh. Le gouvernement nie lui tout rapport entre ces corps et la pandémie. "Il s’agit d’une pratique religieuse traditionnelle de certains groupes qui enterrent leurs morts près du Gange parce que c’est la rivière sacrée de l’hindouisme. Cela n’a rien de nouveau, ça fait 20 ans que ça dure, assure Navneet Sehgal, un de ses porte-parole. Simplement parfois l’herbe est plus haute donc on voit moins les corps."  

Ces  villageois indiens se sont cotisés pour pouvoir brûler le corps d'une vieille femme, le 6 juin 2021. (COME BASTIN / RADIO FRANCE)

Lundi 1er juin, une pétition a été déposée auprès de la Cour Suprême indienne pour que ces morts du Gange soient déterrés et incinérés dignement. Avec l’arrivée imminente de la mousson, beaucoup craignent que des milliers de cadavres soient emportés par les eaux. 

À la date du 6 juin, l'Inde dénombre officiellement 344 082 morts du Covid-19, et entame progressivement un assouplissement des restrictions sanitaires et le déconfinement des grandes villes comme New Delhi et Bombay dans un contexte de baisse des contaminations. Mais ces chiffres reposent sur les bilans quotidiens des autorités nationales de santé et sont globalement sous-évalués dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui estime que le bilan réel est "deux à trois fois plus élevé".

Côme Bastin est allé enquêter sur les cimetières de fortune qui jonchent les bords du Gange à Vanarasi, en Inde.

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